Pour moi, un laser, ça tranche un bras de droïde… ou ça permet de voir à travers un mur (et du linge pour toi qui aurais tendance à utiliser ton pouvoir sans éthique)… ou c’est une ancienne équipe de hockey junior dans laquelle Patrick Poulin a connu les plus fastes moments de sa carrière.
Dans ma vision biaisée de velu, un laser ne sert pas à te démunir de ta fourrure naturelle. Ce lichen riche et fourni qui t’empêche de grelotter lorsque le temps rude s’apitoie et s’acharne. Ma mère m’a même dit, en me faisant un man bun à la Jay Du Temple dans le dos (j’étais avant-gardiste), que je devais me voir comme étant privilégié, car cela m’immunisait face aux microbes qui cherchaient à m’atteindre. Que selon Darwin, je survivrais plus longtemps que mes confrères vulnérables étant donné que mon corps était mieux adapté à l’environnement dans lequel je mue.
Je n’ai cependant plus le choix de me faire détapisser la zone agricole que je suis selon certains partis poilitiques ainsi que Le guide de comment être un homme… écrit par une auteure qui s’y connaît en comment être un homme. Pourtant, j’ai des qualités prisées selon ce que je comprends du sexe opposé. Je suis honnête, fidèle, loyal, je veux prendre soin de la femme que j’aimerai et des enfants que nous confectionnerons d’un commun échange, préférablement. Toutefois, je n’ai même pas l’opportunité de passer proche de démontrer toute cette vertu qui m’étouffe, car on me place instantanément sur la liste noire et hirsute dès que ma photo de profil de moi en chest surgit. Je suis systématiquement barré par 97 % (statistique officielle de l’Institut du poil canadien) des abonnées des réseaux avant même d’avoir eu l’opportunité d’ouvrir la bouche (ou d’écrire un mot dans le cas qui nous concerne). Comme si le poil était devenu la lèpre du XXIe siècle. Et les 3 % qui demeurent ouvertes me renvoient étrangement sur des sites payants dès que je les aborde. Une sorte de bogue de l’application j’imagine.
Si seulement j’étais né dans les années 80, période où la touffe régnait paisiblement sur le monde et fleurissait à l’abri du complot. Les Tom Selleck, les Burt Reynolds, les Raymond Bouchard étaient rois et maîtres, et dominaient de leur reluisant et envoûtant pelage. C’est Roy Dupuis, dans les Filles de Caleb, qui a tout saboté l’écosystème avec la scène de la rivière* où son postérieur, lisse et lustré tels des fruits fraîchement cirés au supermarché, a été mis en fesse d’affiche. Damné sois-tu Ovila avec ton imberbe fessier! Tu te le rasais à la hache entre deux cordes de bois tu vas me dire!? On prétend que les modes reviennent cycliquement. Je peux vous dire que j’attends impatiemment le retour de l’ère où la toison était symbole de virilité, de mâlitude et d’alphamasculinité.
Qu’avez-vous donc contre le poil!? Que vous a-t-il fait cet inoffensif être qui ne demande qu’à pousser entouré de son enveloppante et sédentaire tribu!? Les mascottes sont poilues, et tout le monde aime les mascottes. On s’y colle, on s’y frotte, on s’y pique à coeur joie, on s’y irrite la face sans pudeur sachant que le costume a dormi dans un vestiaire insalubre entre une vadrouille infectée et des rallonges incrustées de crasse. Je n’ai jamais demandé d’être surnommé l’ours crépu par ma prof de maternelle. Je n’ai pas voulu devenir le BFF (Best Fur Friend) du commis du Centre du rasoir. Je n’ai pas souhaité me faire approcher par le PDG de VEET pour devenir le porte-parole de son produit génocidaire. Je souffre quand l’organisateur du Comiccon insiste pour que je personnifie Chewbacca en se basant sur le simple fait qu’il économiserait sur la location de costume (si seulement c’était pour mon imitation irréprochable de son guttural vagissement).
Les choses doivent changer, les mentalités doivent évoluer. Je me ferai entendre quel qu’en soit le prix. J’infiltrerai le parlement avec fracas, poils au vent, libres de tous préjugés sociaux, de toutes contraintes institutionnelles. Il n’est plus question que l’on me tonde comme un mouton, que je me laisse épiler sur les pieds, que l’on m’effeuille le derme, que l’on me coupe à blanc la forêt corporelle.
Femme qui m’aimera, sache que sous cet amas dru se profile et se dresse une âme seule qui ne demande qu’à être brossée tendrement, dans le bon sens. Que dans mon gant de crin, se cache une crinière de velours qui ne souhaite que tresser sa vie à la tienne. Je t’en prie, laisse tes yeux me trimer, percer ma muraille motteuse et voir qui je suis réellement sous mon armure molle et broussailleuse. À jamais, tire sans pression mes bandelettes et je te promets, éternellement, d’être l’huile d’émeu qui apaisera les stries de ton coeur.