Accepter le beau

Ce soir, j’écris pour toi. Pis ça m’énerve en maudit.
Parce que, en une seule soirée autour d’une bouteille de rouge cheap bu dans des pots Mason, tu m’as revirée à l’envers. Le vin est terrible, mais je suis tellement assoiffée de tes mots que je ne me rends compte de rien.

Tu n’arrives pas à me comprendre, même si normalement, tu lis dans la tête des gens facilement. T’essaies de saisir qui je suis, mais t’en es incapable.

« Merde, t’es tellement paradoxale. »

T’as raison. Tu me connais depuis quelques heures seulement, mais ça, t’as été capable de le voir tout de suite. Je suis une collection de paradoxes. Deux côtés de moi se battent sans cesse, des idées opposées se bousculent dans ma tête. Cœur tendre ou cœur de pierre? Dépendante ou bien toute seule? Jouer un jeu ou être honnête? Confiance ou pas?

Au fond de mon âme, j’ai confiance en l’humain pis je l’aime par-dessus la tête. Je ne peux pas croire qu’on naît méchant ou malhonnête. On a tous des buts dans la vie, on pourrait en parler pendant des pages et des pages, mais ça se résume pas mal tout le temps à une seule affaire : l’amour. Sous toutes ses formes, simplement. Mais sommes-nous prêts à l’accepter? Sommes-nous prêts à recevoir tout ça? Je pense que c’est ça qui fait peur, au fond. Ce sentiment-là est tellement pur qu’il fout la trouille. T’es là, au bord du gouffre, un pied dans le vide, prêt à te laisser tomber. Mais moi, ma main reste derrière. Elle s’est accrochée, quelque part, bien fermement, en ne me laissant aucune chance de perdre pied.

Oui, oui, perdre pied. Perdre le contrôle. Paradoxalement à mon envie de voir le positif dans tout, c’est comme ça que je vois ça, l’amour. J’ai toujours l’impression que je vais perdre quelque chose, que je me fais avoir. Je préfère m’empêcher de vivre quelque chose de beau, pour le peu de temps que ça dure. Parce que ça ne dure jamais très longtemps, tout ça. Ça finit par un des deux qui est trop insécure, ou un qui aurait dû l’être. Par des sentiments qui ne sont pas réciproques. Bref, pour moi, aucune chance qu’on finisse heureux et qu’on ait plein de bébés.

Pis je m’en veux. Parce que je me retiens de vivre la vie pleinement. On va se le dire, l’amour, en général, ça prend beaucoup de place dans notre quotidien. Pourquoi me retenir d’être humaine, ou d’être, tout court? Pourquoi, quand je suis dans tes bras, je me demande quand tu partiras? Pourquoi ai-je de la difficulté à croire que tes baisers sont là pour rester?

Ce sera ça, mon défi. Me laisser prendre, les yeux fermés, sans avoir peur du lendemain. Sans me demander si tu y seras encore. Pis, mon orgueil me tape dans les dents de te dire ça, mais ce défi-là, j’aimerais le relever avec toi.

« Écris, Charlotte. Prends un crayon pis déverse tout ça sur un bout de papier. Ça va te faire du bien, promis. »

Ben, voilà. Pis, merci.

[Source de l’image: Thomas Pickard]

 

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