Aimer en silence

La première fois que je t’ai vu, j’étais tellement intimidée. Tu étais de loin la personne la plus cool que j’avais rencontrée. Début adulte, je savais pertinemment que tu avais été dans les « populaires » à l’école. Je ne connaissais pas ta vie, mais elle semblait être si facile, comme si tout t’était dû avec ton attitude. Moi, les gars comme toi, je m’en faisais des amis. J’étais drôle, pas menaçante pour leur blonde. Au fond, j’étais l’amoureuse muette. Jamais, au grand jamais, j’aurais avoué à un gars populaire que je l’aimais. C’était mon secret. Je vivais tout en silence, même si mon cœur battait si fort. Donc, mon but était de leur plaire, peu importe le coût. J’étais friendzonée assez vite, je ne démontrais aucune arme de séduction (être gentille et drôle n’était pas suffisant). Alors, régulièrement, au secondaire, le gars populaire, mon ami, venait me parler…

Lui : « Faut que je te parle de quelque chose. »

Moi : « Oui?? » (Oh mon Dieu, mes prières sont exhaussées, il a réalisé qu’il m’aimait!)

Lui : « Penses-tu que (insérer ici le nom d’une fille populaire) voudrait sortir avec moi? »

Moi : « Je vais aller me renseigner! »

Lui : « Merci, tu es une vraie amie. »

Moi qui souris comme une conne, avec le cœur en miettes.

*****

J’ai alors pris cette mauvaise habitude. Comme il y en a qui se ronge les ongles, moi je collectionnais les amours impossibles. Rendue adulte, j’avais envie moi aussi de connaître une relation réciproque. À 19 ans, je me suis matchée. C’est d’ailleurs par lui qu’on s’est rencontrés. Jamais je m’aurais autorisée à t’aimer, j’avais (et j’ai encore) la fibre de la fidélité en moi. Un jour, lors d’une soirée arrosée, ta blonde t’a dit : « On sait ben toi et Élyse… » Je ne comprenais pas la référence, et tu l’as bien vu le gros point d’interrogation dans mon visage. Tu m’as avoué : « C’est juste qu’avec toi, tout a l’air si simple. » Tu faisais référence à moi en tant que blonde. L’amoureux que j’avais aurait contredit cette affirmation, et c’est ce que je t’ai dit en riant. Mais au fond de moi, la Élyse du secondaire criait de joie. J’étais peut-être plus qu’une amie.

Des années plus tard, on s’est retrouvés célibataires et meilleurs amis. Tu rencontrais des filles, tu me les présentais. Je souffrais en silence. Elle voulait donc être mes amies, ces filles-là. Parce que oui, je semblais compter pour toi. C’était tellement malsain. Moi, je restais célibataire, au cas où. Comme avant, je ne me choisissais pas. Je mettais ma vie sur pause pour être prête pour toi, un jour. La chanson If it kills me de Jason Mraz résumait si bien ma situation. J’avais décidé de t’aimer en silence, même si ça me tuait. C’était mieux que de tout perdre. Ton amitié, ta présence. Mais aussi, je retenais les douleurs, les pleurs, mon cœur en miettes.

Un soir, ça s’est passé. Tu avais tout fait pour que ça arrive. Je sais pas trop pourquoi en y repensant, parce que pour toi, ça ne signifiait pas la même chose. L’amour était de mon côté… pas du tien. Je le sais parce que la suite, elle m’a fait tant souffrir. Tu as complètement ignoré ce moment entre nous, comme si ça n’avait pas été important. Tu as tenté de cacher ce qui s’est passé entre nous à tes nouvelles blondes… Délibérément, tu m’as mise dans un p’tit tiroir, avec tant d’autres choses que tu espérais cacher. T’as bien fait les choses ensuite. Tu as mis ton masque de méchant, de « crosseur ». Comme c’était pas celui que j’aimais, ça a été facile de faire mon deuil. Tu as tellement fait de dommages, mais je sais pas si en sachant tout ça, tu aurais pu ressentir un peu d’empathie. En y repensant, j’étais en amour avec l’homme que je croyais que tu étais. Je l’ai aperçu, à quelques reprises, mais tu n’as jamais eu assez de couilles pour l’être à temps plein. T’as l’air bien aujourd’hui, moins de démons qu’avant je crois. Moi, je suis sortie du tiroir où tu m’avais placée et je ne me suis jamais retournée. Si c’était à refaire, je crierais au gars populaire au secondaire que j’ai un kick sur lui, je t’aurais dit que je t’aimais du plus profond de mes tripes et je m’aurais avertie : « Fille, attention à ton p’tit cœur. Il va se reconstruire, mais il sera toujours fragile. »

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