L’amour à distance est-il possible?

Baiser volé

« Ah, c’est une blonde d’été! Profites-en bien le temps que ça passe… »

Non. Hors de question. L’amour, c’est plus que juste un été de temps. Et surtout, pas grave si, l’automne venu, elle est à une heure trente de route et que je doive emprunter la familiale de mes parents. Je vais les faire mentir (eux, le MONDE ENTIER) et relever le défi! Ça, c’est ce que je me disais du haut de mes 20 ans, en roulant dans ladite familiale de mes parents, un bref regard au soleil, le cœur gonflé de défi et d’espoir. Une blonde d’été… pfff. Elle allait être the one and only. Le pire, c’est que j’y ai cru. Longtemps. Deux ans de temps.

J’étudiais alors à l’école de théâtre, et elle en médecine vétérinaire. Une beauté blonde au profil aquilin, silhouette gracile, jambes fines et vertigineuses, large sourire éclatant, un package deal à vous arracher le cœur direct. À 20 ans, quand t’es en couple, ton occupation de couple numéro un est de baiser. Partout. Tout le temps. Mais avant d’entrer dans ces détails croustillants, laissez-moi vous raconter la première fois que je l’ai vue…

***

Errant, perdu, désabusé, l’amour ne m’aime plus, et je navigue de rassemblements louches en soirées obtuses, à la recherche de celle qui voudra bien me sauver de ma noyade. Alcool, pathétisme, vague à l’âme.

Terrasse d’été, minijupes et robes flottantes. Des pichets de bière cheap et des invités de fêtes douteux dans une marée de jeunes étudiants en rut. Ce n’est par contre pas la mienne, de fête, mais celle d’une amie.  Et ce soir, il ne s’agit pas d’elle, surtout pas d’elle, mais bien de LA plus belle d’entre toutes que c’est la seule qui brille qui shine qui flashe qui torture qui te pogne le cœur le mange le chie le dynamite d’une shot : sa meilleure de best d’amie.

SHE’S THE LADY             SHE’S THE BIG BANG

Wawa de guitare de corde qui pète. Je m’évanouis.

Tout le monde est rapidement au courant de mon coup de foudre (l’électricité… t’sais comment ça voyage). J’ai transformé tout humain vivant en Cupidon d’un soir et me voilà, cœur battant, flottant vers le nouvel amour de ma vie. Me faisant donc crisser devant mon propre fait accompli, après une vague poignée de main, des frissons, des jambes molles, des balbutiements épais : BANGÇa se frotte sur le dance floor du 4e étage. J’suis shafté ben raide. Entre ses fesses, au rythme du boom boom de la bass du DJ. Lumières multicolores cheaps, un cocktail de parfum et de sueur dans le nez, I’m fucking alive and in LOVE! On s’arrache la face à coups de langue, on oublie nos noms et à la fin de la soirée, on se sépare, son numéro de téléphone sur ma main et ma promesse de l’appeler.

Voilà. Je suis piégé. Je suis follement kidnappé. Et j’en suis profondément heureux.

***

En douce dans un parc du West Island, à côté des modules de jeux de son enfance, assaisonné d’un sentiment d’interdit et de rébellion.

Une vingtième fois au moins sur le banc arrière de la familiale de mes parents, cachés derrière une usine de fabrication de je sais pas quoi, avec le chien de garde à côté qui nous aboie dessus comme s’il était jaloux.

Sur un lit de feuilles mortes en plein cœur d’un mont St-Hilaire coloré d’automne.

Le même parc du West Island, contre un arbre, rapidement, c’est l’hiver, voyons, quelle idée d’imbécile en pratique de faire l’amour dehors à chaque saison (dans ma tête c’était ben poétique par exemple).

La fin de semaine, enfin, quand j’allais la rejoindre à son appart de Saint-Hyacinthe (désolé l’ancienne coloc… désolé!)

L’autre fin de semaine dans le sous-sol de mes parents (désolé mes parents… désolé!).

L’autre l’autre fin de semaine dans mon premier appart du Mile-End (désolé mon ancien coloc… désolé!).

Mais durant la semaine? Rien. Excepté de longues conversations téléphoniques qui n’ont fait que fondre de plus en plus avec le passage du temps.

Au début, on pouvait se parler au moins une à deux heures par jour, se parlant de tout et de rien, restant longtemps silencieux même parfois, à juste sentir la présence de l’autre à l’autre bout du fil, l’entendre s’affairer, faire à manger, simplement respirer. Et ça nous suffisait à gonfler notre cœur d’espoir et à adoucir notre attente de la prochaine fin de semaine à venir. Mais rapidement, les autres filles autour de moi commençaient à devenir drôlement attirantes. Et mes hormones dans le tapis me poussaient inévitablement à parler d’amour libre avec elle. C’était jamais concluant. Ni un moment très agréable.

On a commencé à s’éloigner peu à peu, de l’intérieur. À se refroidir. À ne plus trop se reconnaître.

Est-ce que la distance aura tué cette relation? Étais-je amoureux ou était-ce simplement une longue baise morcelée? Évidemment, ce serait ingrat de réduire tout ce que nous avons partagé à cette simple description, mais je crois aujourd’hui que ce que j’aurai surtout appris de cette relation, c’est qu’on ne peut pas vivre d’un amour bâti par orgueil, aux aléas d’un défi qu’on se sera lancé un jour de rêverie, le regard plongé dans le ciel, en roulant dans la familiale de ses parents.

La distance est à l’amour ce que le vent est au feu; il éteint les petits et attise les grands.

[Source de l’image : Car oldtimer par Unsplash]

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