Choisir l’amour comme vérité

L’oncle de mon mari ne veut plus être amoureux. Il me dit ça en me regardant droit dans les yeux. Son regard foncé, presque noir. Il ne sourit pas; ce n’est pas une blague. Dire qu’on ne veut plus être amoureux comme on dit qu’on n’aime pas les asperges. Comme si de rien n’était. Il dit avoir déjà aimé, et que ça s’est terminé. Il a déménagé dans un autre pays avec toute la fougue dont les hommes de cette famille-là sont capables. Faire un move de grandes personnes avec un coeur d’enfant.

On était au verger, il faisait chaud. La journée entière résonnait l’amour. Il y avait des enfants partout qui riaient. On buvait du cidre de pomme le matin avec l’impression d’être rebelles. On avait le vent dans les yeux et le soleil dans le dos; ça n’arrêtait plus de bien aller. Mais lui, il regardait tout ça, les amoureux qui s’embrassent et les futures mamans puis il disait qu’il ne voulait plus être amoureux. Ça a eu l’effet d’une bombe dans mon ventre. POW.

Ma mère était là et elle était d’accord. Elle aussi, elle trouve ça trop de trouble d’être en couple. Le sexe, oui. Faire des activités, oui. Mais l’amour? Bof. POW. La mère de mon chum riait. Elle avait ce discours-là depuis pas mal longtemps. L’amour? C’est pour les jeunes. C’est fatigant. Ça épuise. POW.

La grande amoureuse que je suis avait envie de crier à tout le monde : LA VIE, C’EST PAS ÇA GANG! IL FAUT S’AIMER VOYONS DONC!

Pis j’ai repensé à mon mariage qui vit des montagnes russes pas attachées en ce moment. J’ai revu mes moments d’angoisse en forme de gâteau au chocolat au complet. À mes dents qui grincent la nuit, mes ongles rongés, l’acné de stress qui orne mon doux visage. Je me suis revue être désillusionnée à la seconde où j’ai dit oui pour la dernière fois, oui je le veux, pour toujours, pour ne plus jamais recommencer, pour m’assurer d’une ceinture de sécurité pour tout le temps, pour ne plus vivre de peine d’amour. Pis encore moins les grands renversements des réactions chimiques d’une nouvelle rencontre qui ravive la passion qui dort dans notre estomac. Finis les questionnements.

Ils n’ont pas tort, tsé. C’est sûr que ça fatigue, de s’aimer. De changer constamment, comme les belles plantes que nous sommes, avec quelqu’un qui nous regarde dans le salon. Quelqu’un qui change, de son bord. Accorder les changements, toujours réparer les chicanes, laver la vaisselle qui se salit chaque jour, ramasser les cheveux par terre, qu’on perd à deux. Pis c’est pas beau, en plus! Le quotidien du corps disgracieux, les crises, l’impatience, les légumes qui moisissent dans le frigo, parce qu’on n’est pas assez à la maison. Parce que personne ne fait des soupers d’amoureux tous les soirs.

BEN MARDE. Même là, même dans un moment de grands doutes et de grands questionnements, je ne peux pas arrêter d’y croire. Comme si j’avais vu le père Noël mettre sa fausse barbe, dans le sous-sol chez mes grands-parents, mais que je refusais de voir le mensonge. Je refuse de croire que l’amour pourrait être une niaiserie.

P.-S. — L’amour, il existe. La fausse barbe aussi, le père Noël aussi, si tu veux. C’est toi qui décides. Pis personne ne peut te faire croire une vérité qui n’est pas la tienne.

[Source de l’image : Hand with oil pastel draws the heart]

 

4 Comments

  • Genevieve dit :

    Merci d’y croire encore… Merci de me montrer que je ne suis pas la seule…

    • Valérie Dezelak dit :

      Je te renvoie le remerciement. Ça me réconforte à chaque fois de savoir que d’autres y croient aussi. Ensemble, on peut remettre l’amour sur la map! 🙂

  • Josiane dit :

    Valérie, te lire est pour moi un petit plaisir coupable. J’adore lire et relire chacun de tes textes. Ta façon de voir la vie et de ressentir les mots me donne espoir que l’amour LA chose qui fait battre nos coeurs ❤ merci

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