La fille qui a eu mal

T’as tellement eu mal.

Que t’es rempli d’amour déjà fatigué.

Elle t’a tellement brisé quelque chose en dedans, la dernière fois. Lui. La fois que tu croyais que la vie te ferait plus chier. La fois que t’as aimé en fermant les yeux. Pis quand tu les as ouverts, y’avait déjà plein de mouillé qui habitait dedans.

Maintenant tu ne conjugues le verbe aimer qu’au passé. T’as mis de côté la fille, la femme, l’amoureuse que t’es vraiment. Tu l’as rangée dans le cabanon avec ta chaise longue. Pour l’hiver. Parce qu’le froid a pogné dehors, et en dedans de toi. T’as fabriqué un labyrinthe pour arriver à ton coeur pis toi-même tu t’es perdu dedans.

Tu détournes le visage quand quelqu’un te dit que t’es belle. Parce que tu n’y crois plus vraiment. Parce que, avec lui, tu t’es sentie vraiment très laide pis conne. De te dire que les autres se trompaient, qu’avec toi y’était pas pareil. Pis tu t’es trompée. Maintenant t’analyses chaque mot, chaque geste. T’analyses même c’qu’un gars dit pas. Tu te protèges. J’comprends ça plus que tu penses. Mais je crois que tu ne te protèges pas des hommes, tu te protèges de toi-même qui voudrais bien se laisser aller. Une autre fois. Mais une autre fois, ça peut vouloir dire avoir mal. Une autre fois.

Pis ça, la p’tite boule que ton corps a fait v’la pas longtemps t’oblige à y penser. Parce qu’en te relevant t’as juré ne plus tomber. Tomber pour un gars. Pour d’l’amour.

Des fois, j’ai l’impression que tu comprends même pas pourquoi j’te trouve belle. Attirante. Tsé moi non plus des fois j’sais pas ce que tu me trouves. Mais j’aime ça pas trop me poser de questions pis me dire que si chu là, si c’est moi qui suis là avec ta soirée, c’est ça qui compte. Point final. Je les ai pas vécues tes blessures, pis j’ai les miennes aussi, mais quand on se colle ça cicatrise. Plus vite. Des bras qui se disent de l’amour, ça colle des choses brisées. Tsé.

Y’a des moments que je pense que j’y touche. À ça. Ce fragile-là rempli de prénoms et de soirées passées les yeux en larmes. Ce quelque chose que tu caches, des fois tu m’le montres. Peut-être pour voir si tu peux encore. Peut-être pour voir comment j’vais réagir. Des fois tu m’le montres ton coeur. Et juste pour ça, j’te dis merci.

[Source de l’image :  L’enfant de la labyrinthe par Jean-Pierre Dalbéra]

8 Comments

  • Anne-Marie dit :

    wow … merci! c’est parfait comme texte.

  • Sophie dit :

    Wow, je suis agréablement touchée de constater qu’un homme puisse comprendre et transmettre par écrit ce genre de ressentiment qui peut ronger le coeur d’une femme. J’en voudrais un David moi aussi pour cicatriser mon petit coeur balafré…

  • K. dit :

    J’aime beaucoup ce court texte, doux et poétique.
    Je sais pas si ce gars là c’est toi, mais si tu es la avec ses soirées, assez proche pour cicatrise, c’est qu’elle peut encore aimer

  • Nicolas Cloutier dit :

    David Lemieux, j’aimerais juste te dire que ton texte est magnifique…pleins d’images de vérités, d’émotions et d’amour.

    Même si je serai bientôt marié donc, bien loin du célibat, je crois qu’on a tous ressenti ce genre de “feeling” … J’écris aussi à l’occasion et je tenais à te dire que ton texte est .. juste et..touchant!

    Bonne continuité!

    • David Lemieux dit :

      Merci beaucoup Nicolas de ces bons mots à mon endroit. J’te souhaite un merveilleux mariage avec beaucoup de bonheur !! J’apprécie beaucoup ton commentaire .

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