Je n’ai jamais eu peur de trop aimer. Au contraire, j’ai souvent eu peur de ne pas aimer assez. De ne pas aimer à la hauteur de l’amour que je recevais gratuitement. J’ai souvent eu peur de cette connexion à sens unique, réciproque à moitié. À moitié de lui vers moi. J’ai souvent eu peur d’être l’élément négatif dans le fil électrique qui nous unissait. Mais bon, à ce qu’on raconte, il faut un positif et un négatif pour que le courant passe.
Je me suis souvent dit que j’étais tellement moins belle que les yeux qu’il me faisait lorsqu’il me disait « T’es tellement plus belle en dedans qu’en dehors ». J’avais l’impression de vivre l’imposture et que mon sourire fittait un peu moins avec mes yeux dans ces moments-là. J’avais souvent l’impression de vivre un conte dont je connaissais déjà la fin. En fait, je savais qu’il y aurait une fin, point.
Je crois que j’ai souvent eu l’ingratitude facile. T’sais quand t’as tout et que tout n’est pas assez. Quand ce tout-là n’est pas ce que tu veux. Quand tu te laisses tenter par l’incertitude d’une vie nouvelle, car ton amour est rendu trop certain, moins nouveau, et que ça t’énerve. Quand tu trouves que ça manque de spontanéité. Je peux vous jurer que j’y ai goûté dans la dernière année, à la spontanéité du laid. Du laid décliné en différentes teintes, mais un laid qui te fait tout aussi mal à chaque fois qu’il se pointe par surprise. Si au moins c’était une déclinaison du genre 50 shades of Grey, mais non. C’était pas mal plus du genre 50 shades of pas beau.
J’ai souvent eu peur de souhaiter l’impossible. C’est Che Guevara qui disait Soyons réalistes, exigeons l’impossible. Je la trouvais tuff à assumer, cette réalité presqu’impossible à trouver. Je me suis souvent dit que ce que je voulais ne devait pas exister, même si ma petite voix me chuchotait le contraire. T’sais, quand ton intérieur chuchote alors que toi, t’as juste envie d’hurler JE TAIME à quelqu’un, quand t’as juste envie de viser droit, au milieu de la cible, pour une fois. Et surtout, quand t’as toi aussi envie de te faire transpercer en plein cœur sans que ça saigne. Quand au contraire, ça recollerait tous les morceaux brisés.
J’ai toujours dit qu’il y avait une différence grosse comme ÇA entre la personne de sa vie et l’amour de sa vie. Je n’avais jamais rencontré les deux, avant aujourd’hui. Ça avait toujours été soit l’un, soit l’autre. Je ne m’étais jamais donnée ce droit-là, en fait. J’ai toujours été tellement lâche. Parce que je savais très bien que je perdrais tous mes repères si je perdais l’amour de ma vie, si je donnais autant de pouvoir à la présence de quelqu’un d’extérieur à moi (quelqu’un qui serait tellement à l’intérieur en même temps). Alors je me barrais frette-sec. Y’a jamais personne qui aura assez de place pour que je sache pas ce que je ferais s’il partait. Personne.
Je me suis toujours dit que c’était les autres, les lâches. Ceux qui acceptaient de se remettre entre les mains de quelqu’un, même si cette personne-là pouvait les briser en les échappant par terre. Faut tu être cave pareil! Même si je ne me croyais pas, ça me faisait du bien de croire que je me croyais.
C’était tellement simple, avant. Il ne répond pas? Pas grave. On ne se revoit pas? Pas grave. On ne fait jamais rien? Pas grave. Comme dirait Lorde, It’s a new art form showing people how low we care. Jusqu’à temps que je réalise que j’étais tannée de devenir une artiste du ressentiment qui ne ressentait plus rien. Jusqu’à temps que je réalise que c’est ma vie qui était en train de devenir pas grave. Pis on ne veut jamais avoir une existence qui ne compte pas.
Je nageais dans le pas creux depuis tellement longtemps que j’avais peur de plus savoir nager en crawl. J’avais peur d’avoir l’air d’un pitou piteux faisant aller ses pattes dans tous les sens pour trouver son air. Je me demande si on peut ratatiner par en-dedans à force de stagner dans le même bassin. Si les doigts le peuvent, j’vois pas pourquoi le cœur pourrait pas.
J’ai tellement dit non souvent avant de dire oui. En fait, on s’est dit non longtemps avant de se dire oui, lui et moi. On savait tous les deux qu’on se mentait en pleine face, mais être au courant du mensonge, c’était surtout être au courant de la vérité.
Aujourd’hui, nous sommes prêts. Je suis prête à le passer, mon écusson du dernier niveau. Parce qu’avec lui, et avec nous, je ne la vois pas, la fin de l’histoire. C’est comme aller se planter devant l’océan et regarder l’horizon. Tu le perds jamais de vue, l’horizon. Il est toujours là, rassurant. Peu importe où tu te trouves sur la planète, il se trouve devant toi. C’est cette impression que me fait cet amour-là. Celle de ne jamais être seule, peu importe où je me trouve, peu importe ce qui se passe. En plus, il te promet tellement un beau voyage, l’horizon. Des surprises, il y en aura à la tonne, mais des tempêtes aussi. Des orages qui voudront tester la solidité de mon embarcation, et un bateau duquel je voudrai peut-être sauter, en réalisant qu’il n’y aura pas de canot de sauvetage. C’est le free for all du risque.
Je la quitte, ma vie sans craintes, et tu es mon voyage. Je me lance à coeur ouvert dans l’océan, dans l’inconnu. Nous irons au bout du monde, toi et moi. Je ne mentirai pas, j’ai peur. J’ai peur en criss, même. Peur de me tromper, peur de mon orgueil, peur que tu me pousses en bas de la rambarde, peur de me noyer, peur de relire ça dans quelque temps en m’en voulant d’y avoir cru. J’ai même peur de faire une crise de coeur tellement tu l’fais shaker, mon coeur. Mais c’est une peur rassurante, car au plus profond de moi-même, je le sais que tout va bien aller, et qu’on va la toucher, cette ligne de lumière infinie.
Je le sais, parce qu’avec toi, je regarde le ciel tellement souvent que je me casse le cou de bonheur. Pis ça fait même pas mal.
[Source : Breathe par Tess Mayer]