L’amour perd son temps avec moi

Des fois j’me dis que la vie perd son temps à m’envoyer de l’amour.

Pis surtout à m’le reprendre. Me l’arracher sans même prendre rendez-vous avec moi. Tsé un genre de minimum parce que ma vie me concerne aussi, un peu, me semble.

Tsé les filles, j’vous aime bien. Vous m’avez souvent dit vouloir un gars drôle, intelligent, qui ose dire ses émotions, mais au final, je pense que ça fait partie des films de p’tites filles que vous écoutez. Ça fait beau le temps d’une soirée, mais vous ne voulez pas réellement ça le reste de la semaine. Ni le reste d’une vie. J’le sais que je suis intense, je dis des beaux mots pis j’ai l’air charmeur. D’ailleurs, j’ai jamais compris pourquoi vous me trouvez charmeur parce que je sais pas dire autre chose que ce que je pense. Je suis drôle, aussi, parce que la vie m’a appris qu’il y a moins de lourd avec du rire. J’aime jaser avec tout le monde parce que tout le monde, c’est aussi toi. Je dis mes émotions et j’suis sensible. Mais tout ça fonctionne pas dans mon cas. Je regrette d’être comme ça et je regrette encore plus de me dire qu’il faudra que je change. Après 37 ans à juste être moi-même, c’est un pas pire contrat que de me trouver quelqu’un d’autre à être.

Devenir celui que je ne suis pas sera le plus grand mensonge que je vous dirai. Mentir sur qui je suis c’est drette pas ma force, parce que je pense qu’au fond de moi, j’aime bien mon moi-même. Justement, je m’aime assez pour ne plus donner un accès libre à ce que disent vraiment mes sourires. Pis ça fait moins mal ne rien vous dire de ma vie et seulement vous faire connaître ma couleur de boxer quand on aura assez rien dit pour faire l’amour.

J’ai découvert que c’est vraiment plus facile toucher vos seins que d’me faire une place dans votre cœur. C’est triste, je sais. Pourtant, vous rêvez à l’amour, les becs dans le cou pis toute, mais j’sais maintenant qu’un humain, ça se protège. Y’en a même qui se mette un condom sur le cœur pour pas laisser passer de sentiments. Moi qui croyais toujours me protéger, j’avais pas tout compris de la vie.

J’le sais que vous aimez bien mes yeux, d’un espèce de vert-bleu-gris qui correspond jamais à aucune réponse de formulaire. Moi j’suis pas certain de les aimer. Parce que je les ai vus pleurer trop souvent devant le miroir. Si t’aimes mon sourire, c’est que tu sais pas que le dentiste m’a vraiment pas fait un prix d’ami pour me le fabriquer. Et tu sais pas non plus combien de fois j’ai souri pour du « obligé », pour du ça-me-tente-pas-mais-ça-fait-plus-beau.  Et j’me pratique à faussement sourire pour que si jamais un jour, la vie me surprend au point d’me garocher une vraie de vraie amoureuse, j’aurai l’air plus habitué d’être heureux.

Être soi-même, de nos jours, c’est un luxe. C’est plus facile se cacher dans le crédit et le « faire croire ». Mais l’amour, ça devrait jamais rien coûter, ça devrait pas te coûter c’que t’as de plus important : ta personnalité, tes qualités, tes défauts pis ton toi-même. Surtout ça. Qui tu es.

Faque, enlève le condom que t’as sur le cœur pis laisse aller un peu ce que l’amour peut faire en toi. Pis moi, j’te dirai entre deux ou trois niaiseries, des p’tits bouts de ma vie. Et j’te ferai un beau sourire quand tu me diras que t’aimes mes yeux. Car essayer d’aimer en jouant le rôle d’un autre, c’est pas s’aimer assez pour convaincre la vie de pas reprendre l’amour qu’elle t’envoie.

[Source de l’image :  Condom Wrapper par Anthony Easton]

1 Comment

  • Mahika dit :

    Un gros câlin, c’est ce que j’aurais le goût de te donner, David. Je sais pas pourquoi, mais, je pense que si je t’avais eu là devant moi, c’est ce que j’aurais fait. Puis, je t’aurais demandé : Est-ce que ça va? En sachant pertinemment que ça ne va pas…

    Ne regrette pas d’être toi, parce que les gens qui t’aiment t’aiment pour ce que tu es et ils ne voudraient que tu changes pour rien au monde. Et puis, on peut bien essayer d’être quelqu’un qu’on n’est pas pendant un bout de temps, mais ça ne dure pas. Un jour, pour une raison ou une autre, les masques tombent et on retrouve la personne que l’on essayait de fuir, de cacher. Je te souhaite non seulement d’avoir l’air habitué à être heureux, mais je souhaite que la vie t’envoie très bientôt celle qui te rendra vraiment heureux. On sait jamais, les surprises, ça peut arriver! 😉

    Et je suis bien d’accord avec toi pour dire que « essayer d’aimer en jouant le rôle d’un autre, c’est pas s’aimer assez pour convaincre la vie de pas reprendre l’amour qu’elle t’envoie. » Perds pas espoir, David! Tu vas la trouver ton amoureuse!

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