Le « je t’aime » difficile

Je pourrais accuser les bonnes soeurs grises et leur éducation religieuse psychorigide qui m’ont obligé à tout garder par en dedans… jusqu’au moment béni de la confesse.

Je pourrais pointer du doigt la jeune et jolie Jessica qui, bien qu’elle ait porté le statut de « ma blonde d’été » entre l’âge de 8 à 12 ans, a décidé de casser notre relation chaste et pure le jour où poussa mon premier poil pubien.

Blâmer la culture emo, qui a si largement influencé mon mode de vie d’adolescent mal dans sa peau, serait également une option. Lorsque tu as les cheveux noirs, du eye-liner et le teint pâle, l’heure n’est pas aux épanchements amoureux, mais aux larmes de honte!

Pour toutes ces raisons, et d’autres que je garde secrètes par pudeur…

J’ai peur du « je t’aime ».

Pas celui que l’on dit à sa mère avant de s’endormir dans notre pyjama Bart Simpson.

Ni celui que l’on clame à son père le jour où il nous offre la bicyclette cinq vitesses dans la vitrine du Canadian Tire local et qui fait l’envie de tous les garçons du quartier.

Et surtout pas celui que l’on souffle à l’oreille de son chat pendant que ce dernier, prisonnier d’une étreinte beaucoup trop intense, se demande si la fin du monde approche ou s’il aura encore le loisir de manger une canne de Fancy Feast lors des traditionnels « dimanches mous ».

J’ai peur du « je t’aime ».

Le « je t’aime » vulnérable que l’on offre, le coeur ouvert, à celui qui complète notre vie.

Le « je t’aime » qui s’enfuit de notre bouche lorsque notre corps nu et ses bourrelets sont à découvert.

Le « je t’aime » qui cristallise ces quelques secondes où l’on se dit :

That’s it, j’ai réussi ma quête amoureuse.

J’ai toujours eu peur de dire « je t’aime ».

Nombre de fois, j’ai étouffé l’envie de chanter à pleins poumons que j’aime comme un fou, un soldat, une star de cinéma.

N’est pas Lara Fabian qui veut.

Encore aujourd’hui, alors que je partage ma vie avec une moitié, douce certes, mais également rugueuse par endroit, j’ai de la difficulté à prononcer ces trois mots hautement galvaudés.

Par réflexe, par peur. Peur du rejet.

Dire je t’aime… Exercice extrême à celui ou celle qui ose s’y aventurer. Sauter en bungee du haut de sa vulnérabilité.

Célibataire amer, j’étais le premier à conseiller mes amies de ne jamais, au grand jamais, prononcer ces trois maudits mots.

Laisse-le te les dire à la place, comme ça, ton honneur va être safe s’il ne t’aime pas en retour!

Safe

Et s’ils ne venaient jamais, ces trois mots d’amour.

Hier soir, j’ai osé le « je t’aime » à mon chum.

Même après plus de deux ans en couple, j’ai encore le coeur qui palpite, la main qui tremble et ma sudation frontale pogne un niveau clairement exagéré.

Tu me dis ça là, en regardant des reprises d’Un souper presque parfait?

Oui.

Je t’aime aussi, mon amour.

 

[Source de l’image : Hand drawing heart in the sand par Kaboom Pics]

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