Pis, les bébés?

Je ne suis pas enceinte.

Évidemment, depuis que je suis mariée, on me pose souvent la fameuse question : «Pis, les bébés?». Il ne faut absolument pas que je sois bête dans ma réponse, sinon j’aurai l’air cruelle. Il ne faut pas non plus que je sois indécise, sinon je donnerai l’impression d’avoir besoin d’être convaincue. Il ne faut pas de moment de silence avant que j’ouvre la bouche, sinon tout le monde va penser que je suis enceinte et que je le cache. Il ne faut pas que je réponde trop vite sinon tout le monde va penser que je suis enceinte et que je le cache.

C’est un sujet délicat.

Je n’ai pas entendu parler de bébés pendant vingt-cinq ans et du jour au lendemain, c’est un sujet qui s’est assis confortablement sur la table, chaque souper de famille. À Noël, c’est pire. Si je grossis ou je maigris, depuis que je suis mariée, tout le monde pense que j’attends un bébé. Quand l’an passé, j’ai décidé de ne pas boire d’alcool pendant un mois, mon père pensait que j’étais enceinte. À chaque fois que j’arrête de fumer, tout le monde me félicite en me faisant des clins d’œil. Un jour, j’étais triste et quelqu’un a dit que c’était parce que j’avais perdu mon bébé. Je ne m’en sors pas.

J’ai peut-être un visage maternel ou une shape qui a l’air de dire «je suis un corps confortable et propice à l’enfantement». J’ai peut-être toujours des pansements dans ma sacoche «au cas où» quelqu’un se blesserait ou trop d’amour dans les yeux quand je vois un bébé au centre d’achats. J’ai peut-être même déjà regardé des photos de bébés inconnus sur Google, mais ça ne fait pas encore de moi une maman.

Je veux des enfants, je pense. Pas douze, mais un ou deux peut-être. Pas nécessairement pour avoir un garçon et une fille; plus parce qu’un enfant unique, je trouve ça triste. Je pense qu’un frère ou une sœur, ça forge le caractère. Deux filles ou deux garçons, ça serait bien. Des jumeaux, moins. Mais peut-être que oui, vu que ma mère est jumelle? Je ne sais pas si je vais vouloir les faire vacciner, leur faire manger de la viande, leur faire boire du lait de soya ou d’amandes. Je ne sais pas si je veux qu’ils portent des couches jetables ni si je veux qu’ils parlent anglais. Je ne sais pas ce que je ferais, moi, si on m’annonçait que j’ai un bébé handicapé dans mon ventre. Je ne sais pas ce que je ferais, moi, si mon enfant m’annonçait qu’il veut changer de sexe. Je l’aimerais, sûrement. Comme j’aime François même quand il siffle dans l’auto et que j’haïs les gens qui sifflent. Même quand il respire fort ou qu’il parle la bouche pleine. Même quand il me dit que lui, il ne les ferait certainement pas vacciner, nos enfants.

Le jour que ça va arriver, je vais crier. Et il y aura certainement quelqu’un qui va dire «Je le savais!»

[Source de l’image : Papa Seahorse with babies par Snaulkter]

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