L’obsession de se faire passer en premier

Se faire passer en premier est le leitmotiv en vogue sur tous les blogues ces derniers mois, voire ces dernières années.

Tu ne te sens pas trop bien? On te demandera si tu te fais passer en premier. Tu as envie de te caser? On te demandera si tu t’es assez fait passer en premier avant de t’engager. T’as peur de t’engager? On te dira que ce n’est pas grave, que le plus important est que tu tiennes les engagements que tu as pris envers toi-même. T’as de la peine à cause d’un gars? On va minimiser ta tristesse en te disant qu’il n’est pas important, que tu es la seule personne qui compte. Tu vis une rupture? Encore là on va la minimiser en te disant que tu es la seule personne avec laquelle tu vivras toute ta vie et que c’est là-dessus que tu dois focaliser.

Faire des sacrifices pour quelqu’un? Ark, non. Ça ne fonctionne plus comme ça. Faire des compromis non plus. On cherche celui ou celle avec qui tout va s’emboîter parfaitement. Celui ou celle qui serait prêt à partir en voyage au Laos durant trois mois demain matin si nous étions prêts à y aller demain matin. T’es pas assez wild et t’as envie de compléter ta maîtrise avant? Bof. Moi je suis ailleurs. Moi je suis libre. Moi je m’écoute et j’écoute tout ce que mes envies me disent. (Notez la récurrence du moi.) Tant pis pour toi si tu n’es pas prêt à me suivre, parce que moi, il est hors de question que je t’attende. On a juste une vie à vivre. Yolo, comme diraient certains.

Plus besoin de s’améliorer non plus. Nos parents nous ont toujours dit que nous étions les humains les plus parfaits de la planète terre et même de l’univers. Même lorsqu’on a tort, on a raison. Plutôt que de travailler sur nous, on préfère se faire croire qu’on n’est juste pas avec la bonne personne; que «la» bonne personne va nous accepter au complet sans qu’on ait à améliorer quoi que ce soit. L’autre doit parfaitement accepter notre imperfection sans que ce soit réciproque.

kkkk

On se réveille le matin, on ouvre notre page Facebook et on voit que notre amie du secondaire s’est fiancée. Au lieu de trouver ça beau, on fronce les sourcils en trouvant presque archaïque que des gens de «notre âge» se marient ou aient des enfants. T’sé, ce n’est tellement pas ça la vie. On se plait même à croire, souvent à tort, que les gens qui s’engagent sont condamnés à vivre une vie plate, prévisible et tracée à l’avance. Une vie qui se déroulerait dans un bungalow derrière Les galeries de Terrebonne avec un chien et pour seules vacances une semaine à Cuba deux fois par année. Nous, on est ailleurs. On veut s’engager mais la liste de «mais» se déroule jusqu’au plancher chaque fois qu’on rencontre quelqu’un.

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Nous sommes constamment bombardées d’images laissant sous-entendre que les vraies femmes de tête n’en laissent pas passer une. Inconsciemment, on tend de plus en plus vers cette image. « Virginie, 23. Entrepreneur. I don’t make excuses. I make results. » Il faut être dans l’ère du temps; le temps où nous n’avons du temps que pour notre personne et notre épanouissement. Il faut se faire passer en premier en tout temps.

On a aussi perdu à l’art de pardonner. Il t’a fait chier? Quitte-le. Tu n’as pas à endurer ça. Il a commis une erreur? Laisse-le aussi, car tu n’as pas non plus à vivre avec ça. Ne reste surtout pas pour essayer de comprendre ce qui s’est passé; pour essayer de travailler avec lui en équipe afin que ça ne se reproduise pas. On a presque peur que « pardonner » rime avec « faiblesse ». Il se sent moins bien depuis quelques jours? Sois exaspérée. Tu n’as pas à te faire passer en deuxième et écouter ses problèmes. Après tout, tu as aussi le tien et ils sont aussi importants que les siens, non? Toutes tes amies te le diront autour du martini fancy à 12$ que vous êtes en train de boire. Balaie tout ce que vous aviez du revers de la main et arrange-toi pour trouver quelqu’un de parfait.

Au fond, ne tombe jamais en amour avec un autre être humain; tombe en amour avec un robot que tu pourras programmer. Parce que deux personnes se faisant toujours passer en premier, ça se pile dessus. Ça se fonce dedans. Parfois, pour pouvoir avancer, il faut laisser l’autre passer devant et accepter d’être en arrière pour quelques pas.

[ Crédit photo : http://the-people-of-citations.skyrock.com/photo.html?id_article=3127274753&id_article_media=38021665 ]

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