Se laisser être aimé

« OK mais là… si vous êtes exclusifs… c’est que vous êtes en couple… non?

-Eeeeeh… beeeeen… non, non, juste que… je veux qu’on prenne notre temps et… »

Déni déni déni déni.

Et la première chose que je sais, c’est que j’ai le « je t’aime » qui se glisse entre mes lèvres du plus profond de mes poumons gorgés. Et que dans ma chute libre se trouve un merveilleux filet pour m’attraper. Un nuage. Doux. Doux à mes oreilles.

« Moi aussi. »

Un moi aussi tout aussi vertigineux. Voilà. Nous sommes amoureux. Mais on n’a jamais nommé encore que nous étions un couple. Ou des amoureux. Mais mon côté jeune collégienne fait que je suis absolument incapable de me fermer la trappe. Je dis à qui veut bien l’entendre (et qui ne veut pas bien… je le dis de toute façon) que j’ai une copine.

Bon.

Peut-être que j’aurais dû l’en informer d’abord, elle est quand même concernée, la madame. Et pour ce qui est de prendre son temps… c’est raté. C’est que ces sentiments me prennent à bras le corps et me transportent jusque dans des sphères hors de mon contrôle. Bien évidemment que je lui en ai parlé par la suite, je ne suis pas complètement débile (encore). L’annonce fut accueillie par un large sourire et une compréhension aussitôt rassurante. C’est que cette fille, c’est comme si elle me devinait. C’est aussi troublant qu’apaisant. C’est peut-être là l’avantage de rester transparent et en accord avec qui je suis. Elle sait à quoi s’en tenir. Et moi aussi.

Et là, peut-être que tout ça semble quelque peu romanesque, enrobé, sucré même. Pourtant, non. Tous ces éléments rassemblés ne m’empêchent pas de me faire aller le moulin à scénarios catastrophes, n’éradiquent pas quelques peurs naissant ici et là. Ce qui est différent je dirais, c’est mon rapport avec ces scénarios, ces pensées qui me traversent. Et la réaction qu’elle a quand je lui en parle. Je crois commencer à me laisser être rassuré. À me laisser être aimé. Parce que jusqu’à maintenant, de ma courte vie aux multiples histoires d’amour, j’ai aimé. Amplement. De toutes sortes de manières. Mais je ne me suis jamais donné la chance de me laisser être aimé. J’ai encore résonnant à mes oreilles les paroles douloureuses d’une ex-copine de qui je m’étais défilé : « Tu ne t’aimes pas, Jean-François. Et tant que tu ne t’aimeras pas, tu ne pourras pas aimer. » Elle avait raison à cela près que ce n’était pas d’aimer qui était mon problème. Oui, peut-être que je n’avais pas encore appris à m’aimer. Ça, je peux le lui donner. S’aimer à sa juste valeur est un travail quotidien et pas toujours de tout repos, mais ce n’est que récemment que je l’ai appris. Ou à tout le moins, que j’en ai découvert les rouages au cœur des fausses idées de mégalomanie et d’égocentrisme. Non. Aimer, ça se fait à deux. Et trop souvent on oublie de se laisser simplement être aimé. C’est en prenant conscience de ce que l’autre nous apporte ou de comment l’autre reçoit notre amour que l’on peut réellement mesurer instant après instant la valeur de nos cœurs l’un pour l’autre.

C’est étrange. Aujourd’hui, je répétais pour un spectacle musical portant sur des chansons de Jacques Brel. La chanson Quand on a que l’amour, se termine avec ces paroles :
Alors sans avoir rien
Que la force d’aimer
Nous aurons dans nos mains
Amis le monde entier

Pour une raison qui m’échappe, au lieu de dire « que la force d’aimer », j’ai chanté « que la force d’être aimé ». J’ai réalisé en fait que pour moi, la force dont j’avais besoin, là où je devais maintenant appliquer tout mon courage, c’était dans cette mise à nu. Dans cette vulnérabilité. Être aimé. Ça semble si simple… et pourtant nous sommes si fragiles face à l’amour de quelqu’un qu’on aime. Être aimé en retour. C’est immense. C’est précieux. À votre tour, laissez-vous être aimés.

 

[Source de l’image: Unsplash]

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *