La ligne coupe, chéri.

Quand t’es en relation à longue distance, tu passes beaucoup de temps à sonder les gens autour de toi, surtout ceux qui y ont survécu. T’es assoiffée d’entendre des histoires à succès, des histoires de couples heureux qui n’ont jamais douté, eux; d’amoureux éternels qui ne se sont jamais écroulés sous le poids de l’immigration, de la distance, du choc culturel, du manque d’argent, du manque d’intimité, de l’attention d’un autre…

Parfois, tu les trouves ces couples-là. Tu jases, tu sympathises, tu reprends espoir et après quelques verres de vin dans le nez, t’arrives au moment d’honnêteté, celui où ils t’avouent avoir sérieusement pensé tout abandonner. Ça semble être unanime, on frappe tous le même mur.

Et trop souvent, c’est le début de la fin.

Il faut d’abord comprendre que pour survivre à une relation sérieuse à longue distance, on se doit de mettre de côté notre jugement pour quelques longs instants. Si c’était à ta tête et ta logique de prendre la décision, tu tenterais probablement de trouver quelqu’un qui, disons, habite sur le même continent. Ta tête te dirait aussi fort bien qu’il serait plutôt pratique que ton heureux élu ait au moins un visa pour le Canada, qu’il parle semi ta langue, qu’il comprenne ta culture… L’amour, c’est déjà assez difficile sans toutes ces embûches – on le sait tous. Et ta tête, elle le sait, ça. Mais coudonc, il parait que c’est le cœur (entre autres) qui a juridiction sur de telles histoires. Alors te voilà amoureuse. Amoureuse d’un mec sans visa, sans grande possibilité d’emploi, sans une maîtrise du français et sans projet défini.

Mais son accent est sexy en tabarnouche, ses bras te font chavirer et il te fait rigoler comme une petite gamine.

Alors te voilà amoureuse…

Donc tu te lances tête première et tu te concentres sur le positif, t’essaies de ne pas trop parler des moments difficiles et épuisants. T’es en manque, t’es seule, t’as envie de te sentir séduisante. Mais peu importe, tu ne te permets pas réellement de te questionner, tu sais très bien que ça pourrait dégringoler. Quelque part dans ton cheminement, t’as compris qu’il faut y croire un peu aveuglément pour que ça fonctionne.

Et… son accent est tellement sexy.

Puis il faut dire que quand vous vous retrouvez… Quand il met sa main sur ta taille…

C’est donc dès que tu te permets de remettre ta relation en question que tu frappes un mur; c’est terrifiant, surtout si ça fait longtemps que vous avez tous les deux la tête bien enfouie dans le sable. Tu te mets à raisonner sur la longévité d’une telle relation ; une relation constamment semée d’embûches et alourdie par la bureaucratie, les ambitions qui diffèrent et qui sont bien ancrées dans vos passés, des quotidiens séparés, des vies maladroitement fusionnées… C’est épuisant. Ça gruge. C’est lourd. C’est certainement pas dans de telles circonstances que tu te permets de rêver d’une famille, de grands voyages, d’un chalet ou d’une petite maison.

Mais lorsque c’est beau et léger, c’est magique.

Dans vos moments de folie et d’euphorie, vous faites même des blagues de mariage, toi qui pensais que ça serait jamais pour toi. Ça simplifierait bien les choses, non ? En fait, non – même mariés, l’immigration s’avère ardue. Regarde ta collègue qui a attendu son mari 5 ans avant qu’il ne puisse la rejoindre. Tout à coup, ton entourage semble rempli de telles histoires d’horreur.

Alors t’es vidée. Tu réalises que t’as une relation amour/haine avec ta propre vie amoureuse. Tu l’aimes, lui – t’aimes sa moustache, sa mémoire d’éléphant et sa tête qui part de tous bords et de tous côtés lorsqu’il danse.

Mais tu l’haïs, t’haïs le poids qu’a pris votre relation – t’haïs le décalage horaire, les mots et sentiments qui ne peuvent se traduire, la communication électronique, le manque de cul, l’énergie constante que ça te demande de l’aimer, de résister, de persister.

Quand t’es dans cet état d’esprit-là, tout devient lourd de sens, un poids dans la balance. Ayant l’impression que la décision presse et qu’il faut tenter d’amortir le choc, tu te mets en mode évaluation ; tu modifies constamment ta liste de pour et contre.


Contre : Pourquoi il doit toujours utiliser ta serviette et laisser la pâte à dent débouchonnée ?

Pour : Il n’y a personne comme lui pour te réconforter lors de tes crises de confiance et tes migraines d’épuisement.

Contre : Mon doux que les hommes sont beaux à Montréal !

Pour : Il n’y en a pas un autre qui puisse te tenir dans ses bras comme lui; un heureux mélange de force un peu maladroite et de tendresse.


Et j’en passe, vous aurez compris.

Donc, question de montrer un peu de solidarité envers les Demoiselles Courageuses et les Messieurs Patients qui choisissent le quotidien sado-maso d’une relation à défis, je me suis dit qu’il faudrait peut-être en parler… On se sentirait ainsi peut-être un peu moins isolés. Ces couples glorieux qui tentent de me faire croire qu’ils n’ont jamais douté, j’essaye maintenant de les éviter. Égoïstement, je dois l’avouer, je suis un peu tannée de le cacher : être en amour avec un bel homme exotique, ça me fait souvent plaisir – mais ça me fait aussi chier.

Avez-vous déjà vécu une relation à longue distance ? Qu’en advient-il ? Des conseils, des plaintes ou des idées pour les gens de notre belle communauté un peu chagrinée ?

[Source de l’image: Réseaux par Sarah McMahon-Sperber]

2 Comments

  • ellis dit :

    Il m’a dessiné un sacré sourire ton article, et aussi fait dire oui de la tête. Perso je suis pas un très positif exemple. Grosse passion. Même pays pourtant. 1200 bornes. J’avais 20 ans. On a tenu un an et demi . Ravagée par l’attente. Rythmée par le téléphone. Manque perpétuel. mais les retrouvailles presque chaque mois ça valait tout. Il s’est contenté de cette situation quand moi je crevais de manque. D’où le mur. Mais. dans le même temps j’ai une amie. Quatre ans à distance. Puis retrouvailles. Aujourd’hui mariée depuis 5 ans, la petite maison et une belle petite fille. Un beau contre exemple moi je dis. A l’époque y avait une chanson de lynda lemay qui disait jveux bien t’aimer mais comment est – ce que jpeux t’aimer si t’es pas là. Elle me parlait bien. En tout cas là où y a de l’amour et des guilis dans le ventre, il y a tout.

  • Billet juste parfait. Merci à toi

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