Va-t’en. Reste ici.

La semaine passée, pour la première fois en plus de 2 ans, tu m’as vue dans mon entièreté : laide, enfantine, faible, égoïste, insécure, auto-destructrice, manipulatrice, fière, déprimée, colérique, têtue et complètement terrifiée. Indignée et humiliée, je te voulais loin – loin de notre sofa, loin de notre appart, loin de ma ville, loin de mon pays. Mais tu refusais de partir, tes mots me poignardaient de tous bords, tous côtés.

« Tu fais quoi, là? Est-ce qu’on va se parler en adulte ou tu vas continuer à me prendre pour un con et faire semblant que tout se passe bien, que t’es correcte? Tu sais aussi bien que moi je ne servirai pas d’accessoire à ton échappatoire. Que je ne ferai pas à semblant que tout va bien quand t’es clairement en train de déraper pis te faire mal parce que t’es pas capable de t’avouer que t’as peur de perdre la face. Désolée chérie, mais ça ne passera pas avec moi. Je ne t’aiderai certainement pas à t’éviter et t’ignorer. »

Va-t’en. Va-t’en. VA-T’EN!

J’veux plus jamais te voir. Je te déteste. Criss ton camp.

Tu te prends pour qui à me parler comme ça? À me regarder tout droit dans le blanc des yeux comme ça alors que je m’écroule sous le poids de mes propres illusions, de ma propre comédie. À me fixer de ton regard alors que je me sens nue, écorchée, dégoûtante et démasquée? Arrête de me regarder, de me scruter – arrête de me voir, de me comprendre, de refuser de faire partie de mes mécanismes de défense bien huilés depuis la tendre enfance.

 Je me suis crispée les épaules, les mains en poings, la gorge qui se resserrait de panique en quittant le salon enragée; claquant la porte derrière moi comme une gamine en furie.

Pis là, t’es parti.

Reviens.

Eille…Va-t’en pas.

Où est-ce que tu t’en vas? Tu m’abandonnes?

Attends…j’ai besoin de toi.

Loin de ton regard, je me suis permise de perdre les pédales. Les sanglots, les cris, les rires, les ongles dans la cuisse, des cordes vocales déchirées, les mouchoirs éparpillés, les rideaux tirés et les toutous retrouvés. T’avais frappé directement dans le mille, ça ne m’était jamais arrivé. Je t’en voulais, j’étais impressionnée, j’étais soulagée.

« Ça y est» me suis je dit, épuisée.

« J’ai plus besoin d’essayer de le convaincre que je suis saine, généreuse et équilibrée. Plus besoin de lui faire croire que j’ai confiance en moi, que je suis logique et que je sais me gérer. Le jeu est terminé, il a finalement compris que je suis immature, ridicule et manipulatrice. De toute façon, lui et moi – c’était trop beau pour durer. Il était juste en amour avec la moi qui était légère, pleine de joie de vivre et de curiosité. J’en trouverais un autre qui accepterait de ne jamais me confronter. Cette créature hideuse qu’il venait de dévoiler, jamais il ne saurait l’aimer. Comme j’ai été conne d’y croire, de penser qu’une personne comme lui pourrait réellement m’aimer. Une personne qui vénère la discipline, le contrôle et l’honnêteté. Avec moi, l’incohérente, la paresseuse et la reine des demi-vérités. »

La spirale se transformait en trou noir et j’étais prête à m’y lancer. En boule dans notre lit alors que le soleil se couchait, je commençais mon deuil, je préparais ma porte de sortie.

« Franchement, Sarah – tu te prends pour qui? » a reprit ma petite voix intérieure qui ne manque jamais une occasion de me harceler. « Comment t’as pu te faire dénicher comme ça en 3 petites phrases bien visées? T’as toughé 2 ans sans qu’il sache que t’étais complètement cinglée et là ça y est, t’as tout ruiné. »

 


 

Puis t’es revenu.

J’aurais pu continuer des heures à ce rythme-là, j’ai pas mal de pratique tu sauras. T’es entré dans la chambre maintenant complètement sombre. J’avais les yeux fixés au mur. Je voulais que tu me prennes dans tes bras, mais j’étais alarmée à l’idée de ta chair contre la mienne – il me semblait qu’elle me brûlerait à vif, qu’elle me percerait le cœur, l’âme, le creux de l’estomac. J’avais besoin que tu m’enveloppes de tes 6 pieds 3, mais l’idée de ton toucher me répugnait.

Va-t’en.

Mais reste ici. 

Il n’y avait pas grand-chose à dire. T’as posé la main sur ma cuisse et t’es resté comme ça; avec moi dans le noir.

Tu m’avais vu. En fait, tu m’avais toujours vu. Et ma petite comédie de femme parfaite? Tu n’y avais jamais cru; tu m’avais simplement laissé la continuer jusqu’à ce que je me sente prête et assez en confiance pour l’abandonner. J’avais beau te dire de crisser ton camp, t’allais rester.

Tu m’aimais, tu m’aimes et pour l’instant, t’as l’intention de toujours m’aimer.

Rien n’a changé.

[Source de l’image: O par Gabrielle Desmarchais]

 

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