Mon mari est un gars de projets. Il remplit son agenda de réunions, dès qu’il a une nouvelle idée. Son travail, c’est ça : inventer des affaires! Il est travailleur autonome, directeur artistique de son entreprise qui compte un seul employé. Et ça marche! Quand un projet arrive à sa fin, ce n’est pas long qu’il a trouvé le prochain. C’est un gars débrouillard et intelligent. Sa soif d’accomplissement, c’est un peu ce qui m’a charmée chez lui.
Moi, je suis plus tranquille. J’ai tendance à travailler beaucoup, autant au bureau qu’à la maison. Dans mes temps libres, j’ai besoin de me détendre et de plier des vêtements propres. Le lavage, c’est mon projet perpétuel. C’est parfait pour moi : relaxant et à recommencer souvent. On est différents.
Alors quand le dimanche soir (après un weekend chargé à essayer de me ventiler le cerveau du mieux que je peux, souvent fatiguée de la semaine et de ma consommation d’alcool proportionnelle à mon niveau de stress), il me propose une nouvelle idée, j’ai tendance à bougonner. Il tente souvent tant bien que mal de m’inclure dans ses lubies… Et je refuse, plus souvent qu’autrement.
J’écris ce texte aujourd’hui parce que je m’en veux. Je me trouve plate de ne pas vouloir jouer avec lui à monter des pièces de théâtre, à imaginer des scénarios rocambolesques de spectacle, à tricoter des dizaines de carrés identiques pour faire des courtepointes infinies… Ma fatigue psychologique m’empêche de m’engager dans un deuxième emploi, celui d’assistante à la réalisation de projets artistiques. Je culpabilise parce que la vérité, c’est que je pense que je devrais participer à ses idées, une fois de temps en temps. Pour sentir qu’on travaille sur quelque chose ensemble. Pour qu’une des réunions à son horaire soit avec moi, dans notre salon. Pour voir les étoiles dans ses yeux, l’accompagner dans ses insomnies nécessaires, dans ses angoisses de créateur.
Des fois je me dis que mon travail à moi, là-dedans, c’est de m’assurer que la vaisselle soit faite quand il aura envie de manger, au milieu de la nuit. Que ses vêtements préférés soient propres, quand il voudra avoir fière allure pour une réunion importante. Que les draps de notre lit soient toujours frais, pour qu’il puisse dormir en paix. Qu’il n’ait jamais besoin de passer l’aspirateur dans l’appartement ou de laver les miroirs. Il doit pouvoir marcher sur un plancher propre, pour que ses orteils soient le lien entre la terre et son corps. Pour qu’il reste groundé malgré le succès de toutes ses réalisations. Il doit pouvoir se regarder dans le miroir impeccable et y voir l’homme majestueux qu’il est.
Je suis peut-être plus assistante que je pense, finalement. Je travaille dans l’ombre, pour qu’il puisse briller. Parce que deux soleils dans le même trois et demi, ça éblouirait trop. Non?
[Source de l’image : Sunset sun par ]