Parce que j’écris ici, vous me parlez souvent d’amour. Je reçois quotidiennement des témoignages amoureux : parfois timides, parfois comme une délivrance, parfois alcoolisés… Mais toujours pertinents. J’aime connaître vos histoires. Ça me fait du bien de sentir que mes questionnements résonnent chez vous. Ça me rassure, toujours. Il y a quelques jours, quelqu’un m’a demandé d’écrire sur son histoire d’amour. Ou plutôt, sa vie amoureuse post-rupture. Un homme, dans la jeune quarantaine, a ressenti le besoin de s’ouvrir à moi. Juste pour voir ce que j’en dirais, après coup. Je me suis prêtée au jeu. Alors voilà.
Cette histoire-là est très différente de toutes celles que j’avais entendues jusqu’à maintenant. Sûrement à cause de l’âge, du vécu, des années qui passent et qui changent nos perceptions, j’imagine. Ainsi, pendant plus de vingt années de sa vie, cet homme était en relation amoureuse avec la même femme. Ils étaient, dans ses mots, « le couple modèle ». Le couple qui inspirait les jeunes amoureux dans les partys de famille, le couple qui rendait les autres jaloux de par sa simplicité et son impression de facilité extrême. Un couple easy-going, sans enfants mais avec pleins de projets. Ils étaient tombés amoureux alors qu’ils étaient dans la vingtaine et avaient décidé de se marier.
Rapidement, la routine s’est installée dans leur amour, jusqu’au jour où la première clochette a sonné. Tsé, comme quand on était petits, dans les livres d’histoire. La clochette qui te suggère de tourner la page. Ils ont ignoré le tintement et ont continué dans la même lancée.
Plusieurs années plus tard, ils ont réalisé qu’ils avaient pris des chemins différents. Presque naturellement, à force d’ignorer les clochettes, ils avaient laissé la télévision allumée pour dormir. Il n’y avait plus de silences à combler pour écouter l’autre respirer; aucun projet à réaliser, une fois la maison redécorée. Ils attendaient patiemment de tourner la prochaine page, qui ne venait jamais. Ils étaient rendus à la fin du livre, sans avoir vu passer l’histoire. La rupture était inévitable.
Aujourd’hui, cet homme a de la misère à se laisser aller en amour. Pourtant, il est heureux. Il est impliqué dans sa communauté. Il est en forme. Il est zen. Il a une job qu’il aime. Mais il n’arrive pas à ouvrir un autre livre. Peut-être par peur de manquer la clochette; peut-être par angoisse que l’histoire ne soit pas aussi intéressante qu’il pensait…
Alors il se pratique. Il cruise. Il charme. Il fait des belles façons avec des longs becs sur les joues des filles. Il les regarde. Les étudie. Pour comprendre. Mesurer. Peser les ingrédients méticuleusement. Et tout le soin avec lequel cet homme traite ses conquêtes m’a beaucoup émue.
J’avais envie de lui dire de foncer, d’y aller, de ne plus évaluer et de tenter sa chance. Mais chacun va à son rythme, à sa mélodie. C’est comme ça.
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