Amoureuse de l’idée d’être amoureuse de toi

Ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’enfants et pas d’hypothèque qu’une séparation ne fait pas mal. Entre incompréhensions, colères et grandes joies, Gabrielle tente de comprendre et de mettre en mots les différentes étapes vécues lorsque deux personnes se quittent. Nouvelles amours, grandes peines et remises en question, tous ces stades tendent vers un seul et même but – celui qu’on rêve tous d’accomplir : trouver le bonheur.


Stade 2 : Être amoureuse de l’idée d’aimer

(Cliquez ici pour lire le stade 1) 

J’ai longtemps pensé que j’étais incapable d’aimer. Que c’était ma faute si toutes mes relations se terminaient mal et que les vrais couples parvenaient à résoudre les conflits. J’ai longtemps pensé aussi que je savais c’était quoi aimer, mais aujourd’hui je réalise que j’étais dans le champ. Je n’étais pas amoureuse de toi: j’étais amoureuse de l’idée d’aimer.

Toi et moi, on formait pourtant le duo parfait. Étudiants dans le même domaine, on pouvait passer des heures à se parler de nos jobs, de nos aspirations futures et de nos défis professionnels. On pouvait s’aider, parce qu’on se comprenait. Tu m’introduisais à la musique indie et je t’introduisais à la cuisine végé. Pour toi, j’ai appris à aimer les bandes dessinées et j’ai regardé beaucoup trop de trilogies geek dont je me foutais un peu. Juste parce que je voulais fitter dans ton univers. J’achetais des disques en vinyle, parce que tu collectionnais ces affaires-là, et j’écoutais le soccer avec toi – le soccer,  for god’s sake ! – pour te faire plaisir.

On faisait tout, tous les deux, pour que ça marche. Et ça marchait. On était bien. Ou on se croyait bien? J’sais pu trop. Une chose est sûre, on voulait la même chose dans la vie: un mariage avant 30 ans, des enfants l’année suivante et deux jobs à au moins 70 mille par année.

Mais d’un autre côté, on faisait pas souvent l’amour, et chaque fois qu’on s’en parlait, on se chicanait. C’est-tu normal, de pas avoir le goût de même? Parce que l’un ne comprenait plus l’autre, et qu’on était rendu comme une seule entité. C’est pas tant excitant, finalement, d’être une seule et même personne. « C’est pas si grave », qu’on se disait. C’est quoi, la libido, quand tout le reste fonctionne?

J’aimais beaucoup ta famille, et ma famille t’aimait beaucoup. « C’tun bon gars pour toi, ça, Gabrielle », me répétait mon père. Parce que mon père a jamais aimé ça les affaires trop passionnelles. C’est un homme des années 60, et les sentiments, ben ça le met mal.

Et là, boum. Le crash. La fin. J’ai rencontré quelqu’un d’autre. Quelqu’un avec qui y’a juste ça, justement, de la passion et de la libido. « Les yeux dans l’eau, les libidos en feu, la chair de poule, quand tes mains jouent dans mes cheveux », comme dirait Yann Perreau. Et là je réalise le pire. Je réalise que je ne t’aimais pas, ou plutôt que je ne t’aimais plus. Que j’étais amoureuse de l’idée de t’aimer. Que je voulais croire à tous nos projets. Que j’étais en amour avec l’idée de notre vie future, mais pas avec celle du présent. Je réalise que j’étais amoureuse de l’idée d’aimer quelqu’un comme toi: quelqu’un de gentil, de doux, d’attentionné, avec les mêmes ambitions que moi. Qu’est-ce qui fait le plus mal: falling out of love ou réaliser qu’on aimait pour les mauvaises raisons?

Et j’entends d’ici le clan des-gars-gentils qui s’insurge. « Ah, vous les filles, vous aimez toujours les bad boys.» Non, c’est pas ça, clan des-gars-gentils. Des gars comme toi, j’en souhaite à n’importe qui. J’en souhaite même à moi-même. Quelqu’un qui pense à t’acheter une brosse à dents – juste parce que ça fait longtemps que tu n’as pas changé la tienne. Quelqu’un qui t’attend, smoothie vert à la main, après ta course. Quelqu’un qui te fait instinctivement un café le matin, avant même de s’en faire un à lui-même. Toujours.l’autre.en.premier.

Je me disais que j’allais jamais rencontrer quelqu’un de mieux que toi. Comme si personne d’autre n’allait m’aimer comme tu le faisais, pour qui j’étais. Et au fond, c’est vrai. Personne ne m’aimera jamais comme tu le faisais. Parce que l’amour est unique et que chaque relation est différente.

Je suis heureuse pour la fille avec qui tu vas réaliser tous tes projets. Tu le mérites, et j’espère qu’elle te méritera aussi. Mais cette fille-là n’était pas moi. Parce qu’entre nous deux, ça jamais été la grande passion. C’était de l’amitié… à laquelle on a vraiment beaucoup voulu croire.

 

[Source de l’image : Touching Hands par Split Shire]

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