L’amour n’a rien à voir avec la chance

Aimer, ce n’est pas fuir à la moindre chicane ou au moindre froncement de sourcil. C’est prendre le temps. C’est parfois devoir laisser l’instantanéité de côté. Accepter les incertitudes et les remises en question. Accepter de pardonner, savoir discuter. Être capable de dire « J’ai aussi mes torts », sans parler dans le dos de son chum à ses amies de filles autour d’un drink le vendredi soir pour se faire dire « Tu mérites mieux que ça ».

Perso, je ne suis plus capable d’entendre ce genre de conversations. Les conversations où on dénigre celui ou celle qui n’est pas là, en choisissant ses mots (surtout ceux qu’on ne dit pas). Les conversations où on fait passer l’autre pour un salaud, sachant très bien qu’on n’a pas été la plus gentille de l’histoire nous non plus. C’est tellement facile de communiquer avec ceux et celles qui vont nous dire « T’as tellement raison Marie. Moi, je l’aurais crissé là pour moins que ça! » au lieu de communiquer avec la personne avec laquelle on vit la situation poche.

L’amour, c’est se regarder dans les yeux jusqu’à avoir mal à force d’oublier de cligner des paupières par peur de manquer quelque chose d’important. C’est se réveiller le front collé à celui de l’autre. C’est argumenter et parfois lever le ton trop haut. C’est sortir de son appartement fâché et devoir aller prendre une marche parce que l’autre nous énerve trop. C’est apprendre à vivre à deux. C’est dire à l’autre « On doit y aller » dix minutes avant l’heure réelle de départ, car on sait que ça lui prend au moins dix minutes pour mettre ses souliers, trouver, perdre et retrouver son portefeuille, trouver sa clé et son cellulaire. On le sait, car on connaît maintenant ses habitudes.

C’est accepter ses facettes moins belles; accepter qu’il soit humain lui aussi, avec tout ce que ça comporte de forces et de limites. Accepter ses questionnements, ses changements de plan. C’est l’écouter, même si ça fait dix fois qu’il nous dit « Je vais envoyer une demande d’admission pour la maîtrise en socio » pour ensuite nous dire que la socio ne sert à rien. C’est accepter sa nervosité, vouloir être là pour assister à ses réussites, mais surtout vouloir être présente lorsque les coups seront plus durs.

Ce n’est pas exiger des sacs à main hors de prix ou exiger que l’autre conduise une BMW. L’amour n’a rien à voir avec ça. Il se trouve dans les fleurs cueillies dans les jardins du voisinage, dans les yeux que l’on fait à l’autre lorsque l’on croise des enfants, l’air de dire « Un jour, j’aimerais qu’on ait une famille nous aussi ». Il se trouve dans les moments de silence partagés, dans les rêves et dans les matins où l’on se réveille à côté de la même personne chaque jour.

C’est réaliser que même si nous partageons notre quotidien avec une seule et même personne, ce n’est pas une privation. Ce n’est pas un sacrifice. Ce n’est pas « en attendant de trouver mieux ». Car le mieux, il se trouve justement là, à côté de nous.

Et c’est beau tout ça. C’est riche. C’est rare qu’on se donne la peine d’apprendre à connaître quelqu’un dans tout ce qu’il est. Ça n’arrive pour ainsi dire jamais. Parce qu’on a peur, parce qu’on est pressé. Parce qu’on préfère lire l’introduction de dix livres plutôt que d’en lire un seul. On a tellement peur de se rendre à la fin d’une chose qu’on se limite aux débuts de plusieurs choses. On préfère croire que ça n’existe pas, que c’est pour les autres, ceux qui sont chanceux. Si l’amour se développe, s’entretient, se brise et se ressoude, se prend la tête et le coeur encore plus, la chance n’a rien à voir là-dedans. Rien. La chance n’existe pas en amour. C’est une question de choix.

Enfin. L’amour, c’est connaître quelqu’un et rester quand même.

[ Crédit photo : Takmeomeo ]

2 Comments

  • Camille dit :

    “C’est dire à l’autre « On doit y aller » dix minutes avant l’heure réelle de départ, car on sait que ça lui prend au moins dix minutes pour mettre ses souliers, trouver, perdre et retrouver son portefeuille, trouver sa clé et son cellulaire. On le sait, car on connaît maintenant ses habitudes.”

    C’est exactement ça. Et pour connaître les habitudes de l’autre, ça prend du temps. Des mois, des années, mais ça vaut le coup.

  • Sophie dit :

    Très bien écrit, bravo!

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