Quand l’amour est facile

Dans une semaine, ça fera un an que je suis mariée.

Chaque fois que je pense à cette journée-là, je ris et je pleure, pour les mêmes raisons. Je me dis que j’aurais dû manger quelque chose, que j’aurais pu boire moins, que ma robe était peut-être un peu trop grande… Je regrette de ne pas avoir jasé avec chacun de nos invités, mais je voulais tellement juste les regarder, en silence, souriante. Je suis thankful : reconnaissante (j’adore les anglicismes).

Il y a dix ans, le mariage était pour moi une fin heureuse, comme celles des films de Walt Disney. Évidemment, j’aurais la plus grosse robe du monde avec une traîne pis toute. Je ne serais plus une enfant; je quitterais le nid familial pour mener une vie de luxure et de voyages. Je deviendrais une princesse ; je ferais ce que je veux.

Je n’avais aucune idée de la grandeur de l’engagement que l’on prenait, à ce moment-là. Je ne savais pas qu’il n’y avait pas grand-chose de plus triste au monde que de voir son père pleurer à son mariage. Que c’était beaucoup plus beau que dans les films parce que tous les invités, tu les connaissais et tu les aimais déjà! Tu les avais choisis délicatement, tu les avais appelé, tu leur avais envoyé des faire-part, le cœur nerveux, en ouvrant la porte de la boîte aux lettres deux fois plutôt qu’une.

Il y a cinq ans, j’étais en couple avec un gars qui aurait sûrement pu être mon futur mari. Mais avant, il aurait dû se libérer de son cocon familial, chaud et douillet… Chose qu’il n’était pas tout à fait prêt à faire. Il aurait pu me donner une vie de luxure et de voyages, mais ce n’était plus ce que je voulais… J’avais vieilli. Je savais que Cendrillon n’existait pas pour vrai. Je me doutais bien que c’était beau et grand, l’amour, mais j’étais beaucoup moins naïve.

Je savais qu’on devait faire attention aux cœurs fragiles, qu’il ne fallait pas mentir ni tromper. Mais je le faisais quand même, comme tout le monde. Je connaissais la douleur de la rupture amoureuse ; je la faisais vivre aux autres, des fois. J’ai appris.

L’an passé, à pareille date, je capotais. J’étais dans le jus. Je planifiais, je réécrivais mes vœux pour la millième fois, je magasinais une robe, des souliers, des boucles d’oreilles. Mon dernier rendez-vous chez le coiffeur m’avait laissée avec des mèches rousses horribles. Je tremblais à journée longue. Je ne savais pas que tout irait bien.

La journée du mariage, il a manqué d’électricité, chez nous; j’ai crié dans mon oreiller.

Ma robe à 40$ était trop grande, mes cheveux défrisaient à vue d’œil, j’avais un bouton dans le front. Je sentais la crise de nerfs prendre possession de mon corps. J’ai réveillé mon chum, pour lui crier mon désespoir.

Il a souri. La lumière du phare inébranlable qu’il est m’a éblouie. Tout est devenu blanc, comme quand on regarde le soleil trop longtemps. Quand j’ai ouvert mes yeux et que les couleurs sont réapparues, elles étaient différentes. Plus vives, plus précises. On est allés déjeuner au restaurant. Le courant est revenu. Le mariage était parfait.

J’ai longtemps pensé que de trouver l’amour serait le truc le plus compliqué à exécuter. J’avais tort. L’amour est facile, maladroit, immense.

Et encore mieux que Walt Disney.

[Source de l’image : A day on main street par Christian Lambert Photography]

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