Au Québec, on a deux saisons. L’été. L’hiver. Quant à moi, le printemps et l’automne ne sont que transitoires. Y’a toujours des moments douteux au printemps et à l’automne où on marche dans la gadoue. Où la température est souvent ambigüe et indifférenciée, elle-même bipolaire. C’est entre des bourgeons en fleurs et de la neige noire qu’il faut faire attention où se mettre les pieds. Ou encore, c’est entre d’énormes flaques d’eau et des mottons de feuilles devenues brunes qu’il faut faire attention où déposer ses bottes de pluie.
Donc deux saisons. D’un côté, il y a les amours d’été. Tellement enivrants. C’est de la crème glacée trois fois par jour si t’en as envie. C’est des marches interminables tard le soir dans les parcs. C’est l’odeur des barbecues les soirs de fins de semaine comme les soirs de semaine. C’est les pique-niques, les Piknic Électronik, les FrancoFolies, le Festival de Jazz, Montréal complètement cirque et les humoristes en plein air. L’été, c’est les enterrements de vie de filles et de garçons, les mariages, les demoiselles d’honneur, les talons hauts, les jupes, les robes et la douceur des jambes. Les balades en voiture, les cheveux au vent, les cheveux qui blondissent et les freckles qui se font plus présents sur mon visage. Les amours d’été, c’est aussi les chaleurs écrasantes du haut de ton quatrième étage sans air clim, c’est ton soutien-gorge qui colle sur ta peau humide, c’est des douches froides après l’amour et c’est espérer des pluies diluviennes pour rafraîchir tes nuits.
De l’autre côté, il y a les amours d’hiver. Tellement réconfortants. C’est des chocolats chauds avec de la crème fouettée et des guimauves qui flottent su’l top. C’est des activités qui te font retomber en enfance : aller glisser au pied du mont Royal, construire un fort et faire des batailles de boules de neige. C’est des feux de foyer avec des guimauves (y’en a jamais assez), des épaisseurs de couvertures, des gros bas de laine et des après-midi collés à écouter des films à deux. C’est voir ta famille et sa famille à profusion parce que Noël et le Jour de l’An sont à une semaine de décalage. C’est recevoir des cadeaux, faire semblant que tu les aimes et les refiler dans un échange de cadeaux avec ta job. Les amours d’hiver, c’est aussi des pieds froids dans le lit, les coller sur l’autre, l’entendre crier mais te laisser quand même les réchauffer. C’est avoir de la statique dans tes cheveux en permanence à cause de ta tuque, ton foulard et tes mitaines.
Entre ces amours bipolaires, il y a quand même, malgré tout, des amours annuels. Ceux qui te permettent de voir la garde-robe complète de l’autre. Ceux qui durent plus de six mois. Ceux qui font que t’es en « couple depuis longtemps ». Ces amours qui, enfin, ne se demandent pas chaque mois s’ils vont traverser avec l’autre ces saisons bipolaires.
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