Le mur

Ça fait longtemps que je ne crois plus aux contes de fées, aux licornes et aux belles histoires d’amour qui finissent toujours avec une fin heureuse. Mais il m’arrive parfois, pas souvent, de voir une route sur laquelle j’ai envie d’embarquer.

Cette route est là, pas trop loin. Mais elle n’est pas complètement pavée. Elle a ce début tout brillant et lisse. Le genre qui nous donne envie d’aller faire des pirouettes dessus. Le genre de route où tu le sais que ce sera doux.

Cependant, il y a des signes un peu partout qui te disent qu’elle n’est pas encore complètement praticable. De ne pas y aller, de ne pas y mettre les pieds, la roue et le reste, mais tu y vas quand même.

Le genre d’autoroute où tu le sais que tu ne seras pas capable de respecter la limite de vitesse. Le genre d’endroit où tout crie le mot LIBERTÉ.

Et lui, il est sur le début de cette route-là. Une belle route qui sera douce, avec juste assez de courbes pour ne jamais tomber endormi, pour toujours être surpris. Le genre de chemin que tu parcours en chantant à tue-tête sans jamais regarder derrière.

Sauf que que cette route n’est pas encore prête à accueillir quiconque. Il est dans sa voiture avec sa tête qui joue contre son cœur. Et moi j’oscille entre trouver une autre intersection ou attendre que celle-ci soit prête pour être deux. Attendre de voir si le coeur gagnera sur la tête.

Avoir l’impression de revivre la même histoire avec des noms de routes différents. Avoir cette sensation de voir le fameux mur s’approcher. Essayer de se dire que cette fois–ci, je n’entrerai pas en collision avec lui. Mais ne pas être certaine d’avoir assez de force pour appuyer sur le frein.

Je ne veux pas qu’il accélère trop rapidement pour moi. Mais je ne veux pas avoir à me demander si, dans sa voiture, son pied s’est levé du frein ou s’il a en plus enclenché le frein à main pour être certain de ne pas avancer vers moi. Sauf que moi, je suis le genre de fille qui mérite qu’on y aille plein gaz, et il n’est pas prêt pour ça.

Il a besoin d’une transition. D’une route tranquille, sans aucune autre voiture pour bloquer son chemin. Il n’a pas besoin de copilote. Seulement, peut-être, d’une roue de secours.

On l’a vu tous les deux, le mur. Mais on l’a ignoré pendant quelques kilomètres. Et maintenant que je le vois près de moi, je veux éviter la collision et partir dans l’autre direction. Et lui, il ne me suivra pas. Il va prendre un autre chemin. Il est trop prudent pour me suivre là où il n’y a pas de murs devant nous. Là où la route sera remplie de surprises et de plages.

Je refuse d’être une perte totale une fois de plus. Alors je quitterai cette route avant même qu’il n’y ait un accident. Je vais pour une fois, respecter les limites et toutes les pancartes illuminées qui disent qu’elle n’est pas navigable pour l’instant. Je prendrai un autre chemin, pour peut-être recroiser celui-ci quand il sera prêt. Je vais le laisser réapprendre à conduire sur une nouvelle chaussée et on verra.

Parce qu’en ce moment, il conduit les yeux bandés et le cœur fermé. Quand il soulèvera ce bandeau qui lui cache ce qu’il a devant lui, alors son cœur et la route s’ouvriront peut-être. En attendant, je vais tenter d’aller trouver un terrain vague où me reposer avant la prochaine virée.

 

[Source de l’image: Pixabay par Congerdesign]

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