C’était pas vraiment comme si on ne l’avait pas venu venir. T’sais, dès les premières minutes le courant passait tellement entre nous qu’on aurait dit qu’on se promenait ensemble sur un fil d’hydro.
Mais on avait perdu la twist, on n’était pu trop sûrs de savoir comment aimer encore.
Bref, on était deux clichés. Le cliché de ceux qui ont des ecchymoses plein l’corps et l’âme, qui se protègent le visage de leurs mains quand la vie prend son élan par réflexe à se faire varger dessus, et qui ne se croient plus assez forts pour se prendre un autre coup en pleine gueule. Ceux qui ne veulent pas non plus être le coup de grâce de l’autre. Le cliché de ceux qui ne veulent plus dépendre de rien qu’ils peuvent perdre, qui protègent de barbelés leur zone de confort, qui s’y accrochent par peur de perdre l’équilibre dans le vide après un trop plein qui prenait toute la place. Le cliché de ceux qui depuis longtemps ne cherchent plus vraiment à être heureux ne s’en croyant plus capables, ayant peur de décevoir l’autre, de se décevoir, encore, ayant peur d’avoir la preuve concrète de leur incapacité au bonheur, peur de l’autre, peur d’eux-mêmes, de leur amour éphémère. Le cliché de ceux qui prennent leur temps pour toujours, le pied sur le frein, la main crispée sur le break à bras. On était toutes ces excuses de marde-là pour se rassurer d’avoir encore le contrôle sur un quelque chose qu’on savait nyways pas rationnel. T’sais, au cas où on tomberait pour de vrai l’un dans l’autre.
Mais le lit devient vite grand et frette, surtout l’automne. Donc on s’est patchés à coups de tendresse. À défaut de confiance d’arriver à être le polysporin des plus laides parties de l’autre, l’autre qu’on trustait quand même assez pour y montrer ces noirs recoins-là, l’autre, toi, que je trouvais beau et grand comme le bout du monde malgré ces maux-là. Surtout avec ces maux-là.
Sauf que l’affaire ce n’est pas avec qui tu veux passer tes samedis soirs, mais avec qui tu as envie de te réveiller et de bruncher les dimanches matins aussi.
T’sais il y a de plus en plus de couples qui se prennent pour des chats, tentant neuf fois de bien faire les choses. Nous, je pense qu’on avait besoin d’être certains de notre coup, certains qu’on achèterait uniquement un aller simple vers le terminus de l’engagement. C’est bien noble dit de même, mais le timing c’est un concept abstrait qui n’a aucune phase d’absolution. Y’a des chances qu’on attende toute notre vie après le timing parfait, emmagasinant les pires regrets, les et si.
Nous autres, on avait laissé la porte ben grande ouverte aux et si. Peut-être qu’on se brosserait les dents ensemble sous la douche si on s’était laissés le temps de s’aimer, si on avait pas eu peur, si on s’était laissés une chance de se donner tort Et si on n’avait pas choisi la réponse avant même la question?
On avait mis des beefeaters pareils pareils à ceux sur nos bouteilles de gin devant ces portes-là, devant nos cœurs. Ils faisaient leur job, un peu contre la volonté de la patente qu’ils protégeaient, patente trop orgueilleuse et peureuse pour donner un coup de pied aux culs des gardes.
Mais un soir où j’étais paquetée à ne plus pouvoir frencher les yeux ouverts parce que toute tournait trop vite pis trop fort, tu m’as pris la face de tes mains d’homme qui savait ce qu’il faisait, t’offrant comme point fixe même si nyways je n’avais pas envie de regarder nulle part ailleurs. Pis ça s’est passé là. J’ai perdu ma raison à quelque part dans tes yeux. J’ai perdu tout plein d’autres raisons quelque part entre deux shooters de fort, quelque part entre nos mains qui se baladaient comme si on se touchait pour la première fois. Tu t’en foutais que je t’étampe mon rouge à lèvre rouge devenu rose un peu partout dans le cou. C’était bon, doux, nos bouches, nos langues qui atterrissaient, on aurait dit, drette sur nos nerfs à vif. À ce moment-là, on s’appartenait. Et c’était bon, aussi, le feeling qu’on allait s’appartenir encore les moments d’après.
Y’aura fallu vider les bouteilles de gin pour affaiblir leurs beefeaters pour que, quelque part dans cette histoire toute croche, on décroche de notre résistance à ne la mener nulle part.
On s’est patchés à coup de promesses, se disant fuck off si le bonheur nous claque sa porte en pleine gueule, au pire on aura été une belle erreur. T’sais, au pire, on sera peut-être une maladroite réussite.
Puis les frasques de la soirée d’hier faisaient encore du sens en ce dimanche matin. Même que je ne voulais pas ouvrir les yeux tout de suite question de nous regarder en boucle une derrière fois, de te sentir encore partout sur ma peau et dans mon sourire.
J’ai peut-être perdu la twist avec comment aimer les autres. Mais si avec toi, ça redevenait naturel, comme si on s’était aimés toute une vie?
Mais, non. Malgré tout, malgré nos sentiments et nos tentatives de se les tenir avec toute la volonté de Louis Cyr, de nos deux mains qui ne veulent plus trembler, des patchs, des fois, c’est pas assez.
[Source de l’image : skinny love par Sam]
Wow ! J’ai adoré ce texte..Vraiment bien écrit 🙂
merci beaucoup! 🙂
Huh..wow! Merci 😉
🙂