Tu t’es trompé de maison

C’est le 16 novembre que j’ai appris ton existence. Tu t’es incrusté dans ma vie sans en être vraiment invité. Surtout, tu t’es incrusté dans la vie et l’intimité de mon chum et moi. T’étais juste un ramassis de cellules. Même pas la forme d’une bine. Mais tu faisais assez de changements dans mon corps pour que je comprenne à quel point tu étais réel.

Le 16 novembre, dans ma salle de bain, les deux barres roses que tu as fait apparaître sur mon test ont été comme un coup d’pied dans la face. Ah, et disons que mon coeur a arrêté de battre aussi.

Comme si c’te test-là me regardait avec ses yeux désapprobateurs et me rappelait toutes les fois où je n’avais pas utilisé de contraception. Hé que ma mère, grande admiratrice du safe sex, ne serait pas fière de moi.

On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres, hein? Ben, jusqu’à ce que ça nous arrive à nous. En trente secondes, mes inquiétudes sont passées de « comment je m’habille demain » à « est-ce que je peux élever un enfant, là, là? ». J’ai pleuré quand j’ai su que tu étais dans mon bedon. Pas de joie, mais pas tant de tristesse non plus. De peur, plutôt.

Qu’est-ce qu’un bébé allait faire à mon couple, qui n’en était qu’à ses débuts? Est-ce qu’on est prêts à élever un enfant ensemble quand on apprend encore à s’apprivoiser l’un et l’autre? Avec ma job pas tant stable, son salaire presque minimum et ses 70 heures semaine, est-ce qu’on peut donner le meilleur de nous-mêmes pour c’te p’tite boule vivante-là?

Est-ce que je veux sacrifier mon bonheur et mon amour avec mon chum pour un bébé que je ne suis pas certaine de vouloir? (Pis la toune Poussière d’ange m’a pas aidée pantoute à prendre ma décision.)

Pendant le temps qu’on cohabitait, j’ai pris beaucoup trop de bains et je suis arrivée beaucoup trop en retard à ma job. Ta passion étrange pendant les premiers mois était de jouer à la roulette russe avec mon bedon. Même maintenant! Oublie ça, de manger des oignons rouges.

Mon chum et moi, on a discuté mille fois de toi. On a ri. On a pleuré. C’était sûrement pas ça ton but, mais tu nous as rapprochés. On t’a créé à partir d’un moment de tendresse spontané. J’pense pas qu’il n’y a rien de plus beau que ça. On a changé, rechangé, et re-rechangé d’idée. Finalement, on a choisi nos vendredis soirs à s’faire du tartare maison, nos balades en montagne quand il fait beau, notre projet de voyage à Hawaii après mes études.

On a choisi notre amour. On a choisi notre couple.

Le 17 décembre, on t’a dit adieu en se tenant la main. Mon chum me faisait des grimaces pour me faire rire. Pendant que la vie en moi disparaissait par coup de balayeuse. Il n’y a pas une journée où je ne pense pas à toi. Tu es arrivé aussi vite que tu es parti, mais d’une manière, tu as rendu mon couple plus fort que Louis Cyr. Y’a rien qui nous arrête maintenant.

Un jour, on va te faire des frères et soeurs. On a même déjà choisi leurs prénoms. Mais on va le faire quand on va être certains de les amener dans une maison et un couple qui n’auront que de belles choses à partager. Cette journée-là, j’ai choisi mon couple, pas mon bébé. J’aurai à vivre avec cette décision toute ma vie, mais ça ne fait pas de moi une personne horrible.

Exactement quatre mois plus tard, mon chum et moi emménageons ensemble. Une nouvelle ville. Des nouveaux projets. Des nouvelles inquiétudes aussi. Mais tellement, tellement d’amour.

Pis quand mon chum me prend dans ses bras et me dit « je t’aime » avec ses beaux grands yeux bruns, j’me dis que notre bonheur et notre amour, c’est un peu grâce à toi aussi.

 

[Source de l’image : Ballon par Michael Neel]

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