Tu combles tes moments de solitude par de la consommation sans engagement. Du bout du doigt, tu lèches l’écran de ton cellulaire à la recherche de cette personne qui te sauvera de ton célibat. Sortir, boire, rencontrer et affronter l’inconnu, ce n’est pas pour toi, c’est tellement trop old school… toi, t’es né sous l’étoile de l’efficacité; il faut que ça roule. Derrière ton armure en vitre-métal-plastique qui se tient dans le creux de ta main, t’es blindé d’une assurance tous risques et tu fais danser ton index au rythme d’un gauche-droite, tape-en-haut-et-tape-en-bas complètement aléatoire.
C’est comme ça que tu magasines l’amour. Ce mot qui, pour toi, est synonyme de légende et d’utopie parce que chaque fois, tu as eu l’impression de t’être fait avoir. Maudite fausse publicité. Même le commun des mortels en fait maintenant usage. Pas facile d’être dans ta peau. Faut croire que tu n’as pas pris la clause anticitron dans ton assurance. Tu aurais peut-être dû, on est en 2015, capitaine. Bref, en plein novembre, tu espères qu’en dressant ta liste de prétendantes comme tu dresserais ta liste de souhaits pour Noël, tu finiras par trouver LA bonne, celle que tu cherches plus ou moins assidûment dans tes temps libres. Mais tu négliges le fait que tu dresses une LISTE! Et comme dans toute bonne liste, il est fort probable que ton premier choix ne t’aboutisse tout simplement pas entre les mains parce que ces dernières sont occupées par ton téléphone cellulaire.
Ta démarche, qui se voulait d’abord efficace, laisse tranquillement sa place à cette oisiveté passagère. Tu as perdu un peu de ton espoir naïf d’antan parce que le match tant souhaité ne se présente pas. Tu t’ennuies et tu brûles tes minutes puis tes heures à chercher toujours et encore cette mystérieuse flamme. Tu finis par laisser aller un à un tes pseudostandards; tu élargis ta cible en regardant les modèles 2 ans plus jeunes, 3 ans plus vieux, 15 puis 20 kilomètres plus loin, juste pour voir, d’un coup que… et c’est précisément à ce moment que la magie opère, TADAM! Tu t’es piégé.
Mlle X t’avait aussi mis sur sa liste, élargie probablement de son côté aussi. Un beau match de fortune d’un côté comme de l’autre, pour tuer ce malaise de finir ses journées seul sur l’oreiller. Tu lui lances un « Salut » complètement stérile et sans saveur. N’ayant rien en commun, ne serait-ce que le simple plaisir de partager un moment au même endroit, tu enchaînes avec un traditionnel « Comment tu vas? ». La formule du grand gagnant, te dis-tu. Je te le donne, tu as le sens du punch. C’est ironique… mais tu t’en doutes.
S’en suit la période d’attente. Réalises-tu que tu t’es mis dans cette inconfortable situation tout seul, vraiment tout seul, comme un grand? Cette situation que tant de gens fuient, toi tu es plongé la tête la première dedans. Tu attends et tu t’ennuies encore. Tu continues donc ton magasinage, et ça se met à tomber les uns après les autres. Match, match et rematch, tout ça juste pour toi! Tu pourrais te faire un beau mur avec tous les matchs que tu récoltes. Un wall of « what the hell » de filles choisies parce que la photo était cute. La roue tourne, tu continues avec ta pickup line de feu : « Salut! Comment tu vas? » en espérant trouver encore et toujours cette licorne mythique.
Tes forces te quittent tranquillement, et tu songes à abandonner. C’est à ce moment que tu reçois une réponse, d’un dossier de deuxième tour bien évidemment. Cette personne correcte, sans gros wow, qui demeure limite un brin trop loin. Mais tu t’ennuies, donc tu échanges avec elle. Chaque message est espacé d’un vaseux 15 minutes qui semble chaque fois interminable. C’est efficace en crime ton affaire. Au moins ça te divertit, du moins je te le souhaite.
Vient finalement le moment fatidique où elle perd patience face à ton manque flagrant d’initiative. Le manque d’intérêt sera venu à bout de toi, mais tu t’ennuies toujours et ton orgueil est back order ces derniers temps. Tu acceptes donc, sans grand enthousiasme en espérant qu’on te propose quelque chose de mieux avant le jour J, à l’heure H, au moment M. Maudite marde tu n’as pas eu mieux, même ton système digestif reste bien tranquille. Bon courage!
Veinard, elle t’ouvre une porte et te texte pour valider si votre moment malaise-stress autour d’une bière, question de faire original, tient toujours. Ton courage, sans doute dans la même caisse que ton orgueil, étant absent, a laissé place à cette lâcheté qui te fait choker. « Désolé, je ne feel pas trop ce soir. On se reprend. » lui lances-tu. Vos communications s’estompent au même moment. Tu as choké, comme avec l’autre d’avant, parce que celles qui ont précédé t’ont fait perdre temps, argent et plaisir. Tu retournes dans ton divan en te disant que la prochaine sera sans doute meilleure, qu’elle saura t’intéresser davantage. Comme sur le rebord d’un gobelet de Tim Hortons, meilleure chance la prochaine fois.
À recommencer la même démarche, on récolte souvent les mêmes résultats…
Ce que je veux te dire, c’est que c’était prévisible, en fait. Je te laisse sur ces mots, j’ai des dossiers à flipper moi aussi pour venir à bout de mon célibat. Tu n’es pas un extraterrestre unique tu sais, on ne se connait pas trop, mais on se ressemble un peu tous.