Je vis dans un vide rempli. Un vide pas si inoccupé que ça. Comme si j’avançais dans un espace libre composé de parois protectrices. Comme si j’errais librement et sans crainte grâce à un ange gardien armé d’une confiance et d’une compréhension irréprochables. Il a une force inouïe qui empêche mes chutes. Des réflexes inégalés qui font rebondir mes faiblesses, avant même qu’elles ne faiblissent. Chaque fois que je me sens basculer, me voilà à nouveau debout, bien droite et solide. Je ne sais même plus ce qu’est s’écorcher les genoux, se frapper le front contre un mur.
J’étais prisonnière de ma propre vie. Voilà enfin que je me dirige vers la liberté. Je suis de passage dans ce corridor qui sépare ces deux vies. Ce corridor gris qui sépare le noir du blanc. Ce corridor sans danger. Il est juste effrayant, par moment.
Cette traversée, je la dois à cet homme à qui j’ai entrouvert la porte de mon cœur. C’est lui qui me souffle à l’oreille ces paroles réconfortantes. Ces mots encourageants qui me poussent à avancer. C’est lui qui me redonne la force que je croyais avoir perdue. C’est lui qui m’ouvre les yeux.
Il en a tellement fait pour moi et il en fait toujours autant aujourd’hui, sans le savoir. Il ne sait pas tout ce qu’il a changé en moi. Il ne sait pas tout ce qu’il a réussi à déterrer. Tout ce qu’il a bouleversé. Pour lui, c’est naturel. C’est instinctif, car il aime.
C’est tout cet amour que j’ai de la difficulté à accepter. Il y en a partout. Dans chaque caresse, dans chaque regard, dans chaque syllabe. Je n’arrive pas à croire que, moi, j’ai droit à tout ça. Qu’ai-je fait pour mériter son amour? Qu’ai-je de plus à lui offrir?
Or, j’ai appris à l’accueillir. Petit à petit, je savoure chaque preuve de tendresse. Je respire chaque souffle d’amour qui vient vers moi. Depuis, je me sens nourrie. Je suis pleine d’amour et je continue à m’en gaver. Je n’ai plus de fond, car j’ai pris goût à ce sentiment.
C’est tellement fort que j’ai de la misère à exprimer mon amour en retour. Comme si un « je t’aime » ne suffisait pas. Dans ses bras, je crie intérieurement comme une petite fille. Je capote, littéralement. Quand il me dit « Love you », je fonds. Quand il me regarde comme s’il me découvrait pour la première fois, je me dis que je peux maintenant mourir en paix.
Je vis dans un trop-plein d’amour. Un trop-plein qui se répandra sur ma nouvelle vie. La traversée du corridor achève. Et, elle débouchera sur la sortie de secours que je réussirai enfin à ouvrir grâce à ce débordement d’amour.
[Source de l’image: Tunnel par Akio Takemoto]