Quand je t’ai vu la première fois, ce ne sont ni tes yeux, ni tes fesses, ni tes mains que j’ai remarqués en premier, mais plutôt ton éloquence. Ta façon de t’exprimer avec affirmation tout en sachant te remettre en question lorsque nécessaire. Parmi tous les gars que j’ai rencontrés, tu es le seul qui a cet entêtement, cet acharnement presque malsain, de vouloir séduire consciemment et inconsciemment. Mais parmi ta horde d’admiratrices, j’étais et je suis la dernière du peloton.
Pendant des mois, ce que je voulais, c’était ta reconnaissance. Que seulement tu saches que j’existe. Qu’un moment donné, quelque part, tu te dises que cette fille, c’est la « bonne ». Celle avec qui tu serais fier de t’étendre, nu, chaque soir. Celle qui te ferait jouir toute la nuit et la même dont tu aurais autant besoin pour t’endormir. Que je sois celle avec qui tu voudrais partager tes fringales nocturnes et repenser le monde.
J’ai essayé de plaire. De te plaire. Parfois de mettre de côté mes idées pour ne pas avoir l’air « folle ». D’être le mouton noir des moutons blancs pour essayer de me démarquer. Rien n’y a fait, car tu n’avais d’yeux que pour ton club sélect. Celui qui te regarde, te réconforte et t’alimente. Celui qui reste fixé à tes lèvres et qui acquiesce à chacune de tes paroles.
On a surfé pendant un temps sur la même vague. Pendant de courts moments ici et là, sur plusieurs mois. Mais chaque fois, c’était la même histoire. Tu me revenais avec ces « autres » qui t’émerveillaient tant. Celles dont tu me vantais, pendant que je me sentais toute petite en dedans. Celles contre qui je ne pouvais rivaliser.
J’aurais aimé que tu sortes de ta zone de confort. Que tu viennes me rejoindre dans mon monde à moi. Qu’on fasse un vrai bout de chemin ensemble. Que tu cesses d’être en constante représentation et que je puisse rencontrer qui tu es vraiment. Qu’au moins une fois, une seule fois, tu laisses tomber ces illusions te faisant croire que l’amour c’est laid pis pas durable, faisant en sorte que tu ne veuilles pas t’investir. Mais malgré ton honnêteté, c’est moi qui reste accrochée. Et depuis ce temps, je suis en chute libre dans cette désillusion amoureuse, où seul le temps pourra amortir ma douleur.
[Source de l’image : Marie-Andrée Lemire]