Je ne bois pas de café, jamais. Je n’en ai jamais bu et n’en boirai sûrement jamais. Je n’aime pas la restauration rapide, les repas pour emporter et les dîners avalés en moins de cinq minutes. Mais j’aime le Tim Hortons. Je ne peux compter le nombre de soirées que j’ai passé, assise à une table, les yeux pognés dans ceux qui se trouvaient en face de moi.
Je ne peux compter le nombre de fois où j’ai fait semblant d’apprécier mon chocolat chaud qui goûtait l’eau de vaisselle pour régler une chicane ou pour parler de plans à deux. Parce qu’il y a rarement quelque chose de plus réconfortant que dire à l’autre : « Est-ce qu’on va prendre une marche jusqu’au Tim? »
Je ne sais pas pourquoi c’est si apaisant, c’est juste comme ça. Le Tim, c’est un peu l’endroit où t’es sûr de trouver des repères même quand t’es perdu. Peu importe l’endroit où tu te trouves ou l’heure à laquelle tu y vas, t’es certain d’y trouver le café que tu connais, les « roues de tracteur » ou les bagels au fromage à la crème. Peu importe que tu sois en ville ou en banlieue, le gars va toujours faire ton bagel de la même manière : en mettant une maudite grosse boule de fromage au milieu, en l’étendant du mieux qu’il peut.
On dirait qu’aller au Tim, c’est toujours s’assurer de bien finir quelque chose qui allait peut-être mal au départ. C’est aussi l’endroit où on passe pour faire plaisir à l’autre. C’est pas grand-chose un café; ce n’est pas glamour le Tim (on s’entend que ce n’est pas le café fancy à 8 $), mais ça fait toujours le travail. C’est une petite attention qui ne coûte pas cher, mais qui compte beaucoup, un « Tiens, j’ai pensé à toi en chemin! »
Lorsque je n’habitais pas avec mon copain et que j’allais le rejoindre, je trouvais toujours ça cool d’arrêter au Tim pour prendre deux bagels et les sortir de mon sac vingt minutes plus tard même s’ils étaient rendus froids. Ça nous faisait un moment de plus à partager. Un moment simple, mais un moment qui nous mettait toujours un sourire dans le visage. C’est comme lorsque nous avions cinq ans et que nos parents nous autorisaient à manger des biscuits.
Il y a aussi le fait que tu ne sois jamais vraiment seul, dans un Tim. Il y a toujours des gens, qu’il soit 23 h ou 3 h du matin. T’as le droit d’y rester le temps que tu veux. C’est comme si les heures n’existaient plus là-bas. Tu peux parler à l’autre jusqu’au petit matin, et ce n’est pas grave. L’été, tu t’y rends en profitant des 20 degrés même s’il fait nuit. L’hiver, tu y vas pour te réchauffer et l’automne, tu y vas pour être nostalgique. (Le printemps m’a toujours laissée indifférente.)
Avec le Tim viennent aussi tous les sentiments que tu ressens lorsque tu y entres et lorsque tu en sors (on s’entend que si tu y vas tous les matins chercher ton café, tu ne dois pas ressentir grand-chose, mais on comprend le contexte). Le conflit réglé, la première date qui s’est éternisée, le beau moment passé, les larmes qui ont coulé. Les Tim voient ben des affaires…
J’espère que le Tim représentera toujours cette image-là : l’image qui te dit que même si ça ne va pas, ça va finir par bien aller. Parce qu’on a beau manger dans les meilleurs restaurants, il n’y a rien comme le pâté chinois de nos mères pour nous dire que tout s’arrange et le Tim, c’est un peu ça.
[Crédit photo : Tim Hortons coffee and donut par Fortin Bras]