Je ne croyais pas pouvoir aimer après toi

Je me souviens de la première fois que je t’ai vu. Tu étais venu me voir à mon boulot merdique, sans me le dire. T’étais venu avec un de tes amis. J’étais en train de lire Harry Potter. J’avais chaud. Mes cheveux me collaient dans le visage. J’étais rouge. J’avais levé ma tête et t’étais là, avec un sourire beaucoup trop grand accroché au milieu du visage. On s’était parlé un peu, comme quand on se parlait sur Facebook. Sauf qu’on n’était plus sur Facebook, on était dans la vraie vie. Tu m’avais invité à venir te rejoindre au restaurant d’en face après mon quart. J’imagine que n’importe quelle fille aurait dit oui. Je t’avais dit non. En terminant, j’étais retournée chez moi. T’avais trouvé ça plate, mais moi, ça ne m’avait pas tenté.

Ça ne m’avait pas empêché de sauter sur mon cellulaire en arrivant. Je t’avais trouvé beau. J’avais dix-huit ans. Et à cet âge-là, je n’avais rien vécu, hormis une relation houleuse dans laquelle je m’étais embarquée pour ne plus être la seule de mon groupe d’amies à être célibataire. Tu m’avais plu, vraiment. Plu dans le genre de belle face. De beau sourire. De beau rire. De beau toute. Même la fille avec qui je travaillais avait lâché un « Ouin… » quand t’étais parti.

Je crois que nous sommes tombés amoureux la première « vraie » fois qu’on s’est vus. Coup de foudre, papillons, le jardin botanique au grand complet, le zoo de New-York, name it. Je croyais vraiment que je t’aimais à ce moment-là, qu’on s’aimait. Moins de deux semaines plus tard, nous étions allés à Saint-Sauveur. Tu m’avais acheté des roses, tu m’avais préparé un souper et tu m’avais fait couler un bain avec de la mousse. C’était la première fois qu’on prenait soin de moi de cette façon-là. On n’avait rien à envier à The Notebook.

Tu m’avais présenté à tes amis et ta famille. Encore là, c’était une première. C’est aussi avec toi que je suis allée à l’hôtel en amoureux la première fois et avec qui j’ai fumé mon premier joint. Toi avec qui j’ai passé des nuits complètes à boire et à me foutre de tout ce qui nous était extérieur. On faisait de la photo ensemble. On faisait du sport ensemble. Tu m’apprenais à conduire. Tu me faisais des dessins. On faisait bien des choses ensemble.

Puis, ça a commencé à se corser. On se chicanait un jour sur deux. On s’engueulait tout le temps. On se disait des bêtises, au téléphone et en personne. On mettait ça sur le dos de la passion. On aimait vraiment se faire croire ça. Dieu sait que les réconciliations étaient douces. C’était comme une première fois chaque fois. On croyait vraiment que c’était ça, aimer. S’envoyer chier, se quitter puis revenir ensemble. Parce que quand on se revoyait après deux semaines et qu’on allait manger de la pizza, maudit qu’on était bien dans notre marde. Nos yeux brillaient et on était sûrs que cette fois-ci serait la bonne.

Ce sont les autres qui ne comprenaient pas. Les autres, ils étaient plates. Les autres, ils ne s’aimaient pas comme nous on s’aimait. Nous, on était Chuck et Blair, Blair et Chuck. Puis, ça a été trop. Le retour en arrière n’était plus possible. Tu venais tout de même déposer des cadeaux sur le pas de ma porte, tu écrivais dans la neige avec une canette « Je t’aime Virginie » et tu m’amenais des fleurs avec une lettre pour chaque fleur. Si je trouvais ça mignon au début, c’était devenu quasi obsessif. Ça ne fonctionnait pas et il faudrait qu’on l’accepte, même si c’était difficile. Même si j’avais envie de flancher.

J’ai longtemps eu peur de ne pas aimer à nouveau. J’ai longtemps comparé tous les gars que je rencontrais à toi. Je comparais aussi l’intensité des sentiments que je ressentais et rien ne me semblait à la hauteur de ce que nous avions vécu, toi et moi. Je recherchais ce grand feu, celui qui m’avait pourtant brûlée au troisième degré. Celui qui n’avait pourtant laissé que des cendres derrière lui. Je n’y arrivais pas. J’avais l’impression d’être condamnée. Lorsque tu m’écrivais, je t’envoyais promener, mais au fond de moi, j’étais contente de savoir que j’étais encore là, à l’intérieur de toi.

Puis, le temps a passé. J’ai vieilli, j’ai grandi. Je suis entrée à l’université. J’ai rencontré de nouvelles personnes. Un jour, on a repris contact. Je crois que ça venait de moi. Un genre de « Salut » qui s’était transformé en « Ah! Je m’excuse, je me suis trompée de numéro, ha ha! » (ce qui était faux) et qui s’était conclu par un « Est-ce qu’on va dîner la semaine prochaine? ». Ainsi, nous nous étions revus. À la fin du repas, tu m’avais demandé si tu pouvais m’embrasser. Ça faisait deux ans qu’on ne s’était pas vus. Je t’avais dit non. Tu m’avais alors dit : « Si tu fermes les yeux, nous pourrions faire comme si ce moment n’avait jamais existé. » J’étais partie de mon côté et toi du tien. C’est dans le métro que j’avais réalisé que nous n’étions plus au même endroit. Toi tu te dirigeais vers le haut de la ligne orange, moi vers le bas.

J’ai compris à ce moment-là que je ne t’aimais plus depuis un moment déjà. C’était les souvenirs que j’aimais. C’était toutes ces premières fois qui ne pouvaient plus en être que j’aimais me rappeler. C’était l’idée du premier grand amour, que j’aimais. C’était la nouveauté à laquelle je restais accrochée. Cette idée, dans laquelle on se revoyait dans cinq ans en réalisant qu’on ne s’était jamais oubliés. Mais ce n’était pas ça. Je ne t’aimais plus. Et le réaliser me faisait d’autant plus mal, car la tristesse et l’espoir que je ressentais face à nous étaient moins pires à assumer que le vide que je ressentais soudainement.

J’ai alors réalisé que ce vide était nécessaire afin que quelque chose puisse le remplir à nouveau. Puis, j’ai surtout compris que je m’étais trompée. Que l’important n’aurait pas été que tu sois mon premier, mais que tu sois mon dernier. Que c’était avec qui tu terminais ta vie qui comptait, pas avec qui tu la commençais. Aujourd’hui, je l’ai trouvé mon dernier et effectivement, ce n’est pas pareil. C’est mieux. Tellement mieux. Et des premières fois, j’en ai vécu à la tonne avec lui. J’en vis presque chaque jour. Moi qui comparais toujours mes relations à celle que nous avions partagée, je ne peux plus. Car ce n’est pas comparable. Incroyable quand même, non? J’espère que toi aussi tu l’as trouvée.

 

[Source de l’image :Love, love, love par Gregory Jordan]

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