Tu es mon plan A

La vie nous a écorchés, dans notre presque année de relation. Ben plus que les amourettes de presque trois ans que j’ai pu vivre avant. Un peu comme si elle nous avait dit «On va voir si vous voulez être ensemble pour vrai». Un peu comme si elle s’était investie du rôle de testeuse de limites. On est passés au travers mille affaires.

On a réussi à s’aimer sur un matelas simple posé à même le sol d’un appartement partagé avec trois autres (exécrables) personnes. On a réussi à ne pas les prendre au sérieux, à rire de leur têtes d’enterrement. On a réussi à se faire du tartare sur un bout de comptoir gros comme une planche à découper. On a réussi à faire l’amour en riant devant les tentatives échouées de ne pas faire trop de bruit. On a échangé des étincelles au Verre bouteille. On est allés à l’université. On a aidé l’autre dans ses travaux lorsqu’il avait eu la bonne mauvaise idée de se soûler au lieu de faire ce qui était dû pour le lendemain.

On est allés manger du macaroni au fromage au Fameux à trois heures du matin et le parc Lafontaine nous connaît par cœur. On a rêvé devant l’ancien appartement d’Émile Nelligan, puis devant sa tombe au cimetière Notre-Dame-des-Neiges (tombe qu’on a cherchée durant au moins 1h30). On a couru au même cimetière, pour s’enfuir du gardien qui nous avait dit que c’était fermé. On lui en a fait perdre, du temps. Bien fiers de nous, on l’a été un peu moins lorsqu’on a vu qu’il nous attendait à la guérite en bas. On a voulu pousser le cliché jusqu’au bout en allant déjeuner à l’Avenue (non mais c’était bon pour vrai!) et je ne peux compter les fois où on a payé (trop) cher nos chocolatines chez De Froment et de Sève.

On n’a pas encore voyagé au sens littéral du terme, mais on a voyagé en l’autre comme en nous-mêmes. On s’est laissés, aussi. Une fois. Durant trente minutes. J’imagine qu’on se croyait en répétant «C’est bon là, c’est terminé». C’tait vraiment crédible. On a fait des conneries. Des niaiseries qu’on n’aurait pas été obligés de se pardonner. Des stupidités qu’on a apprises en levant les yeux en l’air, sachant parfaitement que ça ne remettait pas en cause notre relation. Et c’est un weird feeling, ça. Ne pas avoir envie de crier, ne pas avoir envie de pleurer, quand ce genre de choses arrive. Juste soupirer. Juste réaliser à quel point on est bien et que malgré tous les malgré, on sait que personne ne pourrait plus nous convenir que l’autre. Tsé, quand t’es fait sur mesure pour quelqu’un.

Si on a été irresponsables ensemble, on a été responsables de l’autre à la seconde où nos mains se sont nouées. Parce que quand il me dit «Je vais t’aimer toujours», je n’ai plus envie de dire «Qu’est-ce que t’en sais?». J’ai plus envie de le croire. Peut-être parce que je me crois aussi quand je me dis que je vais l’aimer pour toujours.

J’avais fait une croix sur le mélange que je recherchais. Le parfait dosage entre amour-passion-intelligence-côté artistique parce que tsé, on ne peut pas tout avoir. J’avais eu envie de croire les autres, ceux qui me disaient que j’en demandais trop. Ça me faisait du bien de me dire qu’il était normal que je ne trouve personne. Ça me donnait une excuse pour vivre des histoires sans lendemain. Quand j’entendais les autres dirent que la «lune de miel» ne durait que trois mois, peut-être six, je savais qu’ils se donnaient une excuse pour justifier le fait qu’ils n’étaient plus aussi amourachés l’un de l’autre et même si je n’avais pas envie de ça, je me disais que c’était peut-être ça, la vie. Une réalité dans laquelle on devait sacrifier une grand part de ce qu’on aimait pour toucher à une stabilité, à une sécurité. Mais en mon for intérieur, ça me déprimait.

Et c’est là que t’es arrivé. Toi, et le fait que contrairement à trop d’autres, tu ne me mettais pas sur un piédestal. Toi, qui n’étais pas impressionné par la littérature que je dévorais ou celle que j’inventais. Toi, qui ne m’élevais pas au-dessus de toi. Et si c’est toujours ce que j’avais cherché, c’est souvent ce qui m’avait manqué. Parce que les gens ont cette mauvaise manie d’être impressionné par un rien et ça, ça m’énervait. Je voulais quelqu’un qui n’aurait pas peur de me froisser. Je voulais quelqu’un à ma hauteur, aussi prétentieux cela soit-il à dire. Je n’avais pas envie d’un copain qui me hisserait au rang sacré. Je voulais de l’égalité. Je voulais être avec quelqu’un que j’admirerais, mais que je ne regarderais jamais d’en bas; que je ne pourrais jamais regarder de haut.

Alors même si ça ne fait pas tout à fait un an encore; même si c’est socialement moins accepté de dire que t’es mon one and only parce que tsé, on s’en reparlera dans cinq ans, j’y crois. Parce que l’amour, ce n’est pas toujours une question de temps. Le temps passé avec toi m’a fait grandir (et me fait grandir) beaucoup plus même s’il ne se calcule pas encore en décennies. Et dans un monde dans lequel on ne se donne plus le droit de croire en quoi que ce soit, je trouve ça beau. Je trouve ça beau de ne pas me dire «Au pire, je tournerai la page» ou «Au pire, il y a plein de poissons dans l’océan» (quelle expression de merde, quand même). Parce que tu vas de soi pour moi. Et je trouve ça magnifique, mettre toutes mes tripes dans quelque chose, sans avoir de plan «B» ou «Z». Parce que t’es mon plan A et je sais que je suis le tien aussi.

[Source de l’image :  Cold love par Leo Hidalgo]

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