Comme des tout-croches

J’avais toujours cru au coup de foudre. Celui qui fait faire une tachycardie au cœur. Celui où ton souffle décide qu’il sacre le camp pis que « toute » ton corps pogne le shake. J’y ai toujours cru, mais c’est pas toujours ça que j’ai vécu.

Ce que j’ai connu c’est les matins où tu te réveilles pis que tu te sens plus dégueulasse que les autres. Quand tu te retrouves la joue sur un chest moite que tu ne reconnais pas, dans une chambre qui sent le mâle pis le sexe qui caille. Quand t’entends le bruit de tes pas résonner le long du corridor au même rythme que ta petite voix intérieure te traite de conne parce que t’as choisi un gars même pas foutu de te raccompagner jusqu’à l’entrée. Quand je me retrouvais seule mais entourée, face à une situation que j’avais pas su éviter pis que je m’en voulais de la direction que mes choix m’avaient donné. À grand coup de déception pis de mots pas assez profonds, ma vie tournait en rond.

Entretemps, toi pis moi, on n’a pas starté ça avec des clins d’œil tannants, un coup de foudre imminent pis de l’amour avec un grand A tout de suite en partant. Non. On a plutôt préféré commencer ça à la hauteur de ce qu’on est : comme des tout-croches. Te croyant mal intentionné, t’es la personne envers qui j’ai ressenti le plus de haine et de dégoût pendant de nombreuses années. Je te garochais des regards de mépris pis je m’emportais si quelqu’un te défendait.

Pis un bon soir, j’ai réalisé que ce n’est pas en passant le scan sur tous les inconnus du bar en cherchant celui qui m’accélérait le plus le pouls que j’allais trouver une relation de « bon matin mon amour » qui allait durer de jour en jour. S’il y a de quoi, j’allais plutôt en ressortir avec un « Tu dors où à soir? Je te trouve bin belle » qui méritait sa place aux poubelles. Parce que la vitesse avec laquelle j’allais le spotter n’était peut-être pas proportionnelle au nombre de points en commun qu’on allait se trouver au fil de la soirée.

Au même rythme que ma vision de l’amour s’est modifiée, j’ai cherché à te comprendre en attrapant des bouts de justification et en raboutant ton explication pour finalement me dire intérieurement que t’étais peut-être pas si méchant. Au fond, j’avais toujours eu une très grande part de responsabilité moi aussi là-dedans. Tranquillement, je trouvais que nos pensées commençaient à se ressembler pis j’étais maintenant capable d’imaginer les choses vues de ton côté. Je me surprenais même parfois à agir un peu comme toi sans trop savoir ni même comprendre pourquoi. J’ai réussi à faire la paix, pis t’as réussi à accepter le fait que je changeais pis à me reprendre quand ça venait. J’ai remarqué que le monde prenait l’habitude de nous comparer. Ça l’air qu’on était pareils quand on nous regardait aller. Pas de filtre, pas barrés, pas de game à s’inventer. Qui rient trop fort sans même avoir de remords pis qui dérangent tout le monde avec leur joie sans tout à fait comprendre pourquoi. D’ailleurs, on était d’accord sur une chose, une soirée passée avec ses vrais bons amis, c’est précieux. Mais si en plus, après on réussissait à finir ça à deux, c’était encore mieux. Donc on s’est dit qu’on allait toujours finir ça sans eux, aussi souvent qu’on peut.

Faque du jour au lendemain, même si on se connaissait depuis tant d’années, pis que ça avait déjà brassé, ça avait fini par se replacer. Ce qu’on recherchait commençait tout à coup à se ressembler pis l’idée m’a pognée d’essayer. C’est pas que je n’y avais jamais pensé, mais cette fois-là, je me suis donné le droit d’y croire pis de me lancer pour voir. Parce que derrière cette vieille amitié, je dois avouer qu’il y a une personne qui a grandement évolué. Ton regard animal autrefois si menaçant réussit maintenant à me faire vibrer par en dedans. Ta personnalité si colorée qui me donnait une raison de te détester quand je te regardais aller me fait nouvellement te trouver un peu plus spécial chaque fois que je te vois.

J’ai commencé à connaître les matins où tu te réveilles pis que tu te sens moins dégueulasse que les autres. Quand tu te retrouves la joue sur un chest réconfortant pis que tu fixes une paire de yeux fermés que t’as le goût de regarder. Quand le soleil se glisse une place dans vos faces en même temps que le précieux arrive dans vos yeux. C’est vrai que je t’ai déjà haï pour la façon dont tu m’as fait me sentir autrefois, mais laisse-moi te dire qu’après y avoir bien réfléchi, je t’aime en maudit pour ce que tu me fais vivre toutes les autres fois. J’ai vieilli. Je suis enfin prête à te prendre comme ça. À travers les beaux matins pis les moins bien. Parce que je comprends peut-être pu rien, mais j’suis bin. Pis ce bonheur-là, pour une fois, c’est le mien.

Alors, finalement, peut-être que c’était pas le coup de foudre toi pis moi. Mais t’as pas empêché que…

Mon souffle, je l’ai cherché;
Mon cœur a pompé;
Pis le shake, je l’ai pogné.

Dans une chambre à coucher.

 

[Source de l’image : feet-2605664 par StockSnap]

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