Étendue dans mon lit, je balaie machinalement des gars de gauche à droite. Je me trouve un peu nounoune et honteuse (comme tout le monde sur cette application, à ce que je comprends) de perdre mon temps là-dessus. Ce n’est pas comme si la vie était assez fine avec moi pour me servir l’homme de ma vie, comme ça, sur un plateau d’argent, entre un entrepeneur du Mile-End et un musicien d’Hochelaga. Mais ça, c’est une autre histoire.
Je tombe sur ta face. La mienne tombe à terre. Mes doigts se font aller moins vite, à c’t’heure. Mille idées me passent par la tête. J’me dis que ta face est pas mal belle à regarder, comme ça a toujours été le cas. Mon cœur se brise un peu, encore. Les points de suture qui refermaient ma plaie viennent de se défaire, d’un coup.
Notre histoire s’est terminée avant même d’avoir commencé. Parce que j’ai eu la trouille. Parce que tu me prenais le cœur comme personne ne l’a jamais fait. La peur d’avoir mal dans ma tête a encore pris le dessus sur les feux d’artifice que j’avais dans le ventre. Fait que dès qu’y’a eu un p’tit accrochage, je t’ai laissé là, sur la voie d’accotement. L’auto était plus légère, allait plus vite sans toi dedans. Pis même si je te regardais avec un peu de regret dans le rétroviseur, j’ai continué de rouler.
Mon orgueil étant plus fort que le reste, j’ai su effacer nos beaux moments en me fâchant contre toi. Ça rend le tout plus facile, de se dire que l’autre est un pas-fin, t’sais. T’as disparu de ma vie pendant quelques mois. Plus je me repassais l’histoire dans ma tête, plus je me rendais compte que j’avais explosé pour pas grand-chose. Que j’avais voulu prendre la sortie par peur de me perdre sur la grande route. Pis que je m’ennuyais.
On a repris contact, j’ai pris mon courage à deux mains, et je t’ai demandé d’aller prendre un café. Je m’attendais à une réponse négative, sachant que je t’avais fait beaucoup de peine : « Je comprendrais, t’sais. Si j’étais toi, je dirais non. » T’as dit oui. J’étais là, excitée comme une ado, à me changer pour la 41e fois pour être certaine que tu me trouves belle, comme avant. Je tremble comme une feuille sur le trottoir devant le café. Pis t’arrives.
Mon cœur fait 74 tours et continue de palpiter pendant toute notre rencontre. On parle pis je te regarde pis je te trouve beau pis tu bois ton café pis tu en renverses sur toi pis je trouve ça charmant pis je me dis que tout est parfait pis que tout va bien aller pis t’as une blonde.
Ouch. J’ai pas fait demi-tour assez vite.
Tu sais quoi, tant pis pour moi. Parce que je t’ai fait mal en essayant de m’enfuir du beau. Parce que moi quand c’est beau, je pars à courir. Tant pis pour moi, j’aurais dû rester.
Mais là t’es là, dans mon écran, un an plus tard. Fait que t’es libre. Fait que j’ai l’âme à l’envers.
[Source de l’image: Oregon in rear view par Jan Hazevoet]