Ne plus dire un mot, supprimer ma voix, une fois pour toutes. Mes mots, lus par d’autres, me donnent le droit de me prononcer sur n’importe quel sujet et ainsi, de voter. J’ai eu envie de me taire, pour ne plus participer aux débats amoureux qui m’entourent, au quotidien. Arrêter le combat, déposer les armes, me mettre sur mute, un peu, juste pour vous regarder aller, sans rien dire. Puis, j’y ai pris goût.
C’est pour cette raison que lorsqu’on me demande comment ça se fait que je ne vis plus avec mon mari, je souris en silence. Quand on me mitraille sur l’avenir de mon mariage, je ne prononce pas de diagnostic, mais je souris, en silence. Oui, je vis avec un coloc hétéro pas moche du tout. Mais il n’y a rien de plus à dire. Juste le silence de notre appartement, qui nous sert de refuge, autant à lui qu’à moi, depuis un peu plus d’un mois. Une cachette secrète, barrée à clé, avec assez d’espace pour deux adultes en devenir. Nous cuisinons peu, écoutons beaucoup la télé, faisons la vaisselle à tour de rôle. Nous formons une équipe de soldats tranquilles, toujours prêts mais pas énarvés. On s’endort, des fois par fatigue et d’autres fois, par ivresse, mais toujours en amitié.
J’étais la première à dire que l’amitié entre sexes opposés n’existerait jamais… Et pourtant, maintenant, je me surprends à m’intéresser à sa journée, à plier ses vêtements par tendresse sans m’attendre à ce qu’il plie les miens, à la prochaine brassée… Doux, facile, simple. Silencieux. Pas d’épanchements, de doutes, d’angoisse. Les jours qui passent et se ressemblent, un fleuve tranquille. Apaisant.
Quand j’ouvre la porte, le bruit sourd de mon coeur qui aimerait beaucoup mieux rester chez moi, dans mon repère. Ma cage thoracique qui joue du tambour sur mes organes internes, la fanfare qui se déchaîne dans la courte marche jusqu’au boulot. L’inquiétude qui revient, quand on me parle de n’importe quoi. L’envie de tout lâcher, de me taire, encore. Au lieu de rire. Bien sûr, il y a des moments de répit, où tout semble se placer… Mais l’amour qui change doucement laisse des traces dans tous les carreaux du miroir de mon quotidien. Partout où je regarde, je me revois, il y a plus de deux ans, avoir hâte d’être mariée. Ce n’est plus le reflet que je vois, dans mon miroir. Je vois une fille brisée, qui a peur de perdre espoir, de ne plus y croire. Je me vois moi-même, fille de l’amour, baisser les bras, vous décourager, vous faire douter, vous aussi. Je ne veux tellement pas vous faire douter.
Alors je cherche les silences qui me font du bien, jusqu’à ce que mon envie de crier de joie revienne.
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