Ça commence sans attachement, avec mon petit côté charmeur, pas trop, juste assez. Ce que tu ne sais pas encore, c’est que j’ai fini mon rodage pis mon spectacle est prêt. À ce moment, je suis jeune et je pense à très court terme, l’avenir est loin et toi t’es ici et maintenant.
Mon but est de te faire rire, si tu me montres tes dents durant les cinq premières minutes, je me dis qu’il y a de l’espoir. Je me démène pour raconter des choses plus absurdes les unes que les autres tout en restant intelligent dans mes propos. C’est là que j’essaie de te provoquer, de te faire réagir, de t’impliquer émotionnellement dès le départ.
Je parle de toi et uniquement de toi. Je te pose mille et une questions. Par le temps que tu termines une réponse, j’ai déjà une autre question qui t’attend. Je veux que tu me parles. D’un côté parce que ta vie m’intéresse et de l’autre parce que je n’ai pas envie de te parler de moi. Tu vas peut-être penser que je ne t’écoute pas, mais je suis alerte. Plus le temps avance, plus je vais te rappeler ce que tu m’as dit un peu plus tôt. C’est pour te prouver que je t’écoute, pour te montrer que je suis intéressé.
Mine de rien, c’est là que je reste mystérieux. Le temps passe, et ça fait déjà quatre heures qu’on boit notre bière. Ça fait quatre heures que j’ai réussi à te faire parler et connaître ta vie de A-Z. Pour une raison qui m’échappe encore aujourd’hui, c’est comme si le fait de me parler de toi faisait en sorte que t’as l’impression de me connaître tout autant. J’ai pourtant réussi à ne rien raconter à propos de ma vie. Je suis encore un parfait inconnu à tes yeux. T’es toujours intéressé et c’est normal, j’ai du charisme et je suis de bonne écoute.
T’es également très intelligente et de temps en temps, tu te rends compte que tu parles beaucoup et moi peu. De temps en temps, tu vas essayer de me connaître et de me poser des questions. Souvent, tu vas me demander des choses que je t’ai déjà demandées. C’est un réflexe prévisible et c’est aussi parce que je t’ai bombardée de questions depuis le début. J’ai choisi le bout facile, j’avais l’embarras du choix pour ma sélection de questions. C’est là que je reste en surface. Je réponds brièvement aux questions et j’essaie de terminer ma réponse avec une autre question. J’ai l’impression que ça te fait un peu oublier ma réponse, que tu dois maintenant penser à la question que je viens de te poser.
Ça semble compliqué, mais ça se fait automatiquement. C’est naturel et simple. C’est la première rencontre et tu te dis que je t’écoute beaucoup plus que tes rendez-vous précédents. Tu vas peut-être même te dire que je t’ai écoutée plus en une soirée que certaines relations que tu as eues jadis. T’es impressionnée, même si c’est évident que je respire le gars charmeur. D’ailleurs, même notre serveur sait que moi + relation amoureuse = on se revoit dans cinq ans.
C’est plus fort que toi, tu t’en fous parce que t’es bien. T’es bien parce que malgré tout, j’ai un énorme respect envers la personne que tu es, d’où tu viens et ce que t’as envie de devenir. Je suis tellement convaincant que tu ressens ma sincérité et mon intérêt au plus profond de toi. Certains vont appeler ça des phéromones, d’autres vont appeler ça un gros « show » pour avoir ce que je veux.
C’est vrai, je sais comment avoir ce que je veux. J’ai appris à connaître mes forces et mes faiblesses avec le temps et je sais comment la majorité des gars pensent. Au final, c’est assez facile de faire tourner les chances en ma faveur. Mais qu’est-ce que je veux réellement? Pourquoi te monter tout un spectacle si je sais que je ne suis pas prêt? Oui, j’ai envie de coucher avec toi, et c’est terrible à admettre. Faut dire que tu parais bien et que ça fait quatre heures que j’ai appris à connaître la magnifique personne que tu es. Ça fait quatre heures que tu me montres le meilleur de toi parce qu’on ne se connaît pas encore assez pour que tu me racontes tes secrets les plus sombres. C’est sûr que j’ai envie de te proposer de revenir avec moi. Je serais fou de ne pas vouloir te le proposer.
L’important dans tout ça, c’est toi!
En réalité, j’ai surtout envie de te faire rire, parce que rire c’est important.
Tu m’as fait comprendre que si tu es ici aujourd’hui, devant moi, à prendre une bière et vouloir apprendre à me « connaître », c’est parce que tu n’as pas encore trouvé l’amour de ta vie. Clairement que je ne suis pas l’amour de ta vie, je suis loin d’être prêt. Par contre, pour l’ombre d’une soirée, je t’ai rendue heureuse. Je t’ai fait sentir comme tu devrais te sentir chaque jour de ta vie en compagnie de la bonne personne que tu rencontreras dans un avenir aussi imprévisible qu’excitant.
J’ai voulu te faire réaliser que t’es une personne exceptionnelle avec un passé aussi incroyable que ton avenir. Que tu es une perle rare qui mérite d’être aimée de façon inconditionnelle. J’ai envie que tu réalises qu’il y a des gars comme moi, prêts à te faire sentir comme je t’ai fait sentir ce soir, et ce, chaque jour.
C’est juste un gros spectacle, mais j’ai envie que tu gardes espoir parce que beaucoup de gars vont essayer de briser cet espoir. Il faut que tu te tiennes loin, très loin de ces personnes. Il faut que tu arrêtes de perdre ce beau futur dont tu m’as parlé ce soir. Je sais que tu crois pouvoir changer ces gars, mais la réalité, c’est qu’ils sont loin d’être prêts et ils ne s’en rendent même pas compte eux-mêmes. Il faut que tu fasses confiance en l’avenir. Car aussi épeurant soit-il, tu vas réaliser que certaines personnes peuvent t’offrir exactement ce que tu veux et plus encore.
Que ton spectacle commence.