L’apesanteur amoureuse

Le cœur est un aimant. Une boussole tournoyante. Au courant de la vie, son magnétisme peut être amené à changer. Sa polarité a le pouvoir de s’inverser. Et ce qui le guide par-dessus tout, c’est l’amour. Le magnétisme humain est mystérieux et reflété dans les étoiles. Parfois, la boussole s’affole et perd son pouvoir. C’est alors qu’on se retrouve errant, hors parcours, sans orbite. En apesanteur amoureuse.

Être en peine d’amour, c’est se retrouver dans le vide du cosmos, flottant sans but, éjecté d’un système, en proie aux trous noirs. L’idée, c’est alors de trouver le moyen de se « remagnétiser », de réactiver nos pôles. Le problème, c’est que notre corps continue par mémoire à nous envoyer des signaux amoureux, notre tête continue de nous envoyer des commandes amoureuses. Ce qui provoque un détachement, un abandon du cœur. Un exil intérieur. Une scission. La douleur peut alors devenir si grande que le corps s’anesthésie. On en arrive à ne plus rien ressentir. Une catatonie émotive. Certains se mettent à tourner sur eux-mêmes, à s’activer en vain, à devenir l’auteur de leur propre tempête, générée par leur propre vacuité. La vie devient alors du sable mouvant, plus on bouge et plus on s’y enfonce. Et quand enfin on n’en peut plus, que l’on se retrouve parfaitement submergé, là et seulement là, on se reconnecte et on se réveille. On accepte le repos. L’arrêt. L’apesanteur. Jusqu’à ce que notre cœur retrouve son magnétisme. Peut-être alors que quelqu’un d’autre se retrouvera dans notre orbite, ou inversement.

D’autres acceptent l’état nouveau et se laissent d’emblée flotter comme du bois mort au gré des remous. Le défi est alors contraire. Celui de retrouver l’étincelle qui nous remettra en marche après la dérive.

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Il y a cette fille. En errance. Nous avons réactivé nos magnétismes. Puis tout s’est détraqué. Et cette sensation intérieure, cette merveilleuse volonté que j’ai à la reconquérir est sabotée par mes blessures infligées par ses allers-retours. Ma volonté est engloutie par un gouffre intérieur alimenté d’impuissance, de doute et de désespoir. Une lourde charge m’empêchant ainsi d’agir avec cœur. Plus je reprends espoir, plus la résistance est grande. Et ce n’est pas une résistance qui s’impose de front, comme un mur, mais plutôt une énergie qui s’esquive, un vertige au creux du ventre, nous aspirant vers l’arrière. Une attraction engouffrante. Un épuisement latent.

Et il y a cette autre fille. Libre. Positive. Promesse d’un monde de possibles. Il y a moi au centre de moi, vacillant, abîmé, sensible aux attractions. D’un côté cette fille du passé, un amas de doutes et d’ombres enrobé de tendresse et de fuites, à l’attraction impossible, me mettant à genoux, mais dont je connais les caresses, les respires, les détours; de l’autre, cette lumière nouvelle que je soupçonne vaine. Me voilà donc en proie à moi-même, écartelé entre moi et moi. Je manque de courage pour jouer au jeu de l’amour à nouveau. Je connais les gestes. Je suis l’imposteur. Jouer à aimer jusqu’à ce qu’on aime? Possible. Comme sourire pour se déjouer à être heureux. Mais dans cette quête de vérité, d’authenticité, ces feintes sont inconfortables et possèdent l’écho des mensonges qu’on se fait en silence et qui croissent avec la promesse de nous ramener violemment à la réalité aux premiers signes de faiblesse de notre mascarade.

Moi aussi, une voix raisonnable me conjure de desserrer mon étreinte de l’espoir de retrouver mon amour perdu, mais elle n’arrive pas à rivaliser avec cette force invisible qui me projette plus avant dans les ronces, obsédée par des lubies romantiques tenaces et avides de souffrance.

À nouveau cette vision de chevalier luisant affrontant sa perte pour sauver d’elle-même la belle qui s’est cloîtrée à la plus haute tour et qui s’est négligemment débarrassée de la clef.

Céder à tout ou calmement affronter mon propre reflet? Je me rêve, réclamant mon double parti à l’aventure dans le monde versatile des songes amoureux…

 

[Source de l’image: Unsplash]

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