Cette fois-là, c’était une suite d’erreurs faites les yeux grands ouverts. Pas le genre d’erreurs qu’on referait par apprentissage. Davantage de celles qui agrandissent les cadres de porte pour s’assurer que, pour un long boute, notre tête ne s’y pète plus de fierté.
C’est le genre d’histoires qui, avant d’être racontées, ont été une page blanche pendant de longues minutes de réflexion, le temps de twister la vérité juste un peu pour ne pas surligner d’un jaune épileptique le mot naïveté. Le genre d’histoires toutes écrites, où la fin est d’une évidente limpidité pour tout le monde, excepté pour nous. Le genre d’histoires éphémères où l’on pointe du doigt les bases bancales au lieu d’assumer que c’est nous qui avons couru trop vite, l’essoufflant, l’histoire qui était censée être belle.
Lui pis moi, on s’est rentrés dedans. Un crush de tous bords tous côtés. On se séduisait tant par nos mots que par nos faces.
Au début, on ne couchait pas ensemble pour se convaincre qu’on ne faisait rien de mal. Les poils nous levaient de sur les bras quand on s’embrassait, on faisait 1h30 de char pour se voir aussitôt qu’on se créait du lousse dans notre horaire, on était la première personne à qui on pensait le matin et la dernière avant de s’endormir, on pouvait passer des heures à faire semblant de dormir juste pour pouvoir se coller nus en cuillère, mais puisqu’il n’y avait pas de coït, on était encore de bonnes personnes t’sais. Tant que la définition exacte de cocu ne s’appliquait pas, celle de trou d’cul non plus.
C’était pas de notre faute ces sentiments qui nous dépassent et qui goûtent trop bons pour ne pas les consumer là là. Il croyait la tromper poliment. Pourtant, ce qu’on faisait, c’était encore plus violent comme claque dans face que juste du cul.
Dès le départ, je m’étais enfoncée bien solidement le pied sur le break. Je n’étais pas capable d’accepter de ne l’avoir qu’à moitié, parce que s’il n’était pas tout, il n’était rien. Des mots vides, pour préserver l’image de la bonne fille qui agit bien. Mais l’affaire, c’est qu’en dedans, toute me shackait tellement que ça n’a pris que l’excuse d’un verre de trop pour que tout craque, que toutes mes valeurs et convictions s’effondrent pour me laisser vivre égoïstement cette affaire-là.
Lui s’épuisait tellement à me convaincre d’appuyer sur le gaz, avec ses promesses qui tenaient déboutes autant qu’une adolescente de 14 ans avec 8 poppers dans le corps. Il s’est épuisé jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien à me donner, excepté des raisons justifiant ma position de défense du départ. Plus le temps avançait, plus il devenait aussi trou d’cul avec moi qu’avec elle.
J’étais rendue le genre de fille un peu folle sur les bords de qui je me moquais, le genre de fille que je détestais, à me demander sans cesse où il allait après m’avoir donner un bec sur le front, qui j’espérais, m’étais exclusivement réservé, pis surtout, avec qui. Je me demandais comment c’était avec elle. J’espérais qu’il ne la remerciait pas d’être elle, qu’il ne sentait pas longuement ses cheveux quand il la serrait pour faire des réserves de son odeur, qu’il ne lui faisait pas lire ses textes qu’il écrivait « vite vite juste de même », qu’il ne se forçait plus à la faire rire parce que nyways un de ses sourires était un moins beau trophée qu’un des miens, qu’il ne se rendait pas chez elle avec de la soupe et des pastilles quand elle était malade, qu’il n’avait plus envie d’elle, qu’elle ne le connaissait pas autant, avec toutes les choses qu’il n’avait confié « qu’à moi ». On espère beaucoup être l’exception à la règle. On ferme la gueule à notre orgueil, espérant surtout ne pas se détester au bout du compte.
Je ne voulais pas qu’il l’appelle par son nom. Parce que ça la faisait exister encore plus fort et ça me faisait sentir toute petite dans mes culottes de jouer dans le dos de même à une vraie de vraie personne. Je l’insultais dans ma tête, sa blonde pas de nom, oubliant des fois que c’était elle qui était à sa place, dans ses bras.
Pis il l’a laissée, comme il m’avait dit qu’il ferait. Donc, j’y ai cru encore un petit peu pis j’ai fait des grimaces à ceux qui l’haissaient déjà d’me faire passer pour une conne. Je n’étais pas amoureuse de lui, du tout, et je ne l’aurais jamais été même un mandé-plus-tard. Mais je l’ai attendu pareil. Parce que je voulais convaincre les autres, pis surtout me convaincre moi-même que je n’étais pas une mauvaise personne, une fille tout aussi trou d’cul que lui.
Finalement, le timing a eu raison de notre pas d’histoire. Mais ça, il ne me l’a jamais dit. Y’a fallu que je déduise, le comprenne, toute seule, quelque part entre ses silences et sa bullshit.
Bref, c’est le genre d’histoire sans happy ending. Mais je suppose que je l’ai mérité.
[Source de l’image : Things that Relate to Each Other par Anne Worner]