Le jogging de l’amour

J’arrive de faire mon jogging. C’est à la mode le jogging, afficher son temps sur Facebook, acheter des espadrilles fluo, courir des demis, avoir une médaille pis toute. Moi je cours juste parce que ça me fait du bien. Pis ça rend les choses pas-le-fun un peu moins vivantes dans ma tête. Ça me fait mal aux jambes mais ça fait changement d’avoir mal au p’tit coeur.

Tantôt, j’ai couru à peu près 10 km avec une roche dans l’espadrille. Ça me faisait mal, c’était zéro confortable et j’étais incapable de me concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Même avec de la musique que j’ai choisie pour mes oreilles, j’y arrivais pas. Drette pas. Ça m’empêchait d’avoir du plaisir. J’aurais dû prendre cinq secondes pour m’arrêter et l’enlever mais non. J’ai pas pris le temps. Même si ça paraissait si simple comme solution, je l’ai pas fait.

Des fois l’humain préfère avoir mal. Que de s’arrêter. Pis de juste se rendre compte des évidences de la vie. Tsé les belles citations que tu lis partout sur Facebook, la “solution est en vous”, ben ça se pourrait qu’elles s’appliquent pour de vrai de vrai. J’le sais que ça fait super beau comme cover de ta page pis que plein de monde qui sont peut-être un peu tes amis aiment ça mais j’te suggère aussi de les appliquer. Tsé d’un coup que ça mettrait du beau ailleurs que dans ta vie virtuelle. Genre dans ta vraie vie.

On a tous déjà eu une roche dans le soulier. Dans notre vie. Dans le coeur. Qui se rendait certains soirs jusqu’aux poumons en t’empêchant de respirer comme avant. En t’empêchant d’avancer plus facilement. Mieux. Avec le sourire. Pis on a tous pas voulu prendre le temps de l’enlever et surtout, ne pas trop écouter les autres qui disaient “sacre-dont-ton-camp-de-là”. Une évidence de la vie. Pour tout le monde. Sauf pour toi.

T’as déjà été ma roche dans le soulier, toi, que je veux même pas nommer tellement j’veux pu rien savoir de toi. Ça m’a pris du temps. Avant de sacrer mon camp en courant en souhaitant que la vie que j’veux vraiment soit pas trop loin devant. Avant de me rendre compte que j’avançais mieux sans toi. J’étais de moins en moins moi-même mais y’a des pneus crevés qui peuvent rouler plusieurs kilomètres avant de s’arrêter. Avant d’être complètement à terre.

Maintenant, je t’ai pitchée au bout de mes bras. Pis j’me sens beaucoup mieux. Pour courir. Pour vivre. Je n’ai plus le souffle coupé à force de lire tes changements d’humeur. À force de lire tes finalement-j’veux-pas-de-toi. Maintenant quand j’ai une crampe, c’est pas parce que je tente de courir très vite pour te rattraper, c’est parce que ma tête pense aux soirées où j’ai attendu un je t’aime de toi. Pis même mon estomac veut me rappeler que c’était n’importe quoi. Du gros n’importe quoi.

Quand je vois une roche, ça me rappelle toi. T’étais sur mon chemin, qui manquait d’asphalte. De solide. Y’a fallu que j’me fasse mal en marchant pieds nus dans le gravier. Parce que j’étais pas équipé pour courir à tes côtés. Parce que finalement le jogging c’est comme l’amour, si tu suis pas ton rythme t’iras pas loin.

[Source de l’image :  Mannheim- On the run par Picturepest]

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *