Se choisir

Ça fait maintenant plusieurs mois que je me livre à vous, ici, sur la Saison de la Chasse. Ça me fait chaud au cœur de lire vos commentaires et de sentir que je n’écris pas dans le vide. Merci. C’est au printemps que j’ai débuté l’écriture de mes billets avec vous, et l’été est passé, chargé de ses histoires, ses aventures, ses coups de foudre et ses cœurs brisés. Des histoires, j’en ai. Les miennes. Celles des gens qui m’entourent.

Je me promenais dans la ville aujourd’hui et j’ai été frappé par la beauté de l’automne. L’arrivée de la lumière dorée, la valse orangée et rougeoyante des feuilles. Le début du temps des jupes m’a soudainement semblé bien lointain. Les peaux déjà se couvrent. L’inconstance de la température nous fait traîner des vêtements pour toutes éventualités. Le rythme général de la ville ralentit presque imperceptiblement. Certaines terrasses sont déjà fermées, les autres sont désertes ou habitées des rares courageux, avides de profiter de l’été jusqu’à la lie.

Des avant-goûts d’hiver. D’ultimes soubresauts d’un été, cet autre été, se rangeant dans la grande bibliothèque des saisons passées, des saisons mortes, avec ses souvenirs, ses sensations, ses joies, ses peines. Les filles de cet été-là. Les baisers de cet été-là. Les regards prenants. Les étreintes. Les déceptions. Les moments de magie soulevés dans l’air, suspendus par le temps, comme un lent nuage de poussière tourbillonnant, révélé par les rayons du soleil. Les vertiges. Les écueils.

** *

Un feu de camp. Dans le noir de la forêt laurentienne. Mon regard flou qui danse au même rythme que les flammes. À la main, une grosse bière amère. Je rumine, seul. Mes amis dorment déjà depuis un moment dans leur tente. C’est le début de l’été. Je suis le seul célibataire de la fin de semaine. Tous mes amis sont en couple, vraisemblablement heureux et ragaillardis par la nature ambiante. Ce soir, je n’ai que ma bouteille pour me tenir compagnie. Et elle n’est pas nécessairement bonne conseillère. J’ai encore mal choisi. Celle qui est venue me ravir des bouts de cœur est repartie. Et avec elle, ma confiance, mon entrain, mon enthousiasme. Ça m’a tout pris pour me mettre en route. J’ai conduit à contrecœur jusqu’au site d’escalade, en écoutant de la musique douce, en pleurant tout aussi doucement. Les yeux mouillés. La route était belle. La lumière et les forêts tout en courbes des Laurentides tout au long de la 15 sont d’une douceur que j’affectionne particulièrement. Comme de douces collines rondes et moutonnées de feuillus frémissants, cassées de parois rocheuses dégringolantes. Des paysages houleux où viennent s’étendre paisiblement les nombreux lacs tranquilles et luxuriants, miroirs géants du ciel et des horizons en vagues. Un peu vide, tentant tant bien que mal d’avoir du plaisir et de profiter du moment avec mes amis, je flotte jusqu’à ce moment devant le feu de la nuit.

Ce moment où j’ai vécu soudainement une prise de conscience. Je me suis vu, la bière à la main, pathétique, et je me suis dit : non. Je vaux plus que ça! Désormais, je ne laisserai plus l’amour m’emporter à chaque faiblesse. Je m’aperçois que l’amour a toujours été ma priorité numéro un. Sans concession. Et ce, au détriment des autres aspects de ma vie, que ce soit professionnel, mes passions, mes rêves. J’ai laissé mes dernières tempêtes amoureuses engouffrer mon temps et mes énergies. Constamment une fille en tête, si ce n’est pas plusieurs, des calculs, des dérives. Je repense à un vieil ami du secondaire, qui avait refusé de sortir avec une des plus belles filles de l’école. Ses défaites? Pas le temps. Il devait veiller sur son petit frère, et ses travaux scolaires l’occupaient. J’en étais sidéré! Repousser l’amour du revers de la main aussi simplement! Pourtant, l’amour c’est tout! C’est plus fort que nous! Comment avait-il pu? 

En cet instant, seul au beau milieu de la forêt, je comprends. Il faut être disponible pour l’amour. Je devais donc commencer à me choisir. Maintenant. Et m’accrocher. Sinon, j’allais non seulement me retrouver seul encore et encore, mais sans rien à moi, sans être celui que je pourrais être. En gros, devenir un homme.

Choisissez-vous. Tout le temps. À chaque moment.

 

[Source de l’image: Unsplash]

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