Se compliquer la vie

Des fois, l’humain aime se compliquer la vie. Choisir le chemin le plus bouetteux, les sentiers les plus à pic, marcher dans la nuit noire et dangereuse. Comme si on se sentait invincibles ou du moins, qu’on croyait qu’on se sortirait bien de tout, peu importe ce qui pouvait nous arriver.

J’ai un ami qui est dans une relation qui ne semble pas le satisfaire totalement. Une autre amie, elle, détient un secret amoureux qu’elle n’osera peut-être jamais avouer, même sous la torture. Je suis moi-même dans une situation de couple plus qu’inhabituelle. Qu’est-ce qui cloche chez nous? Pourquoi ne faisons-nous pas le choix le plus facile en quittant nos lieux flous pour revenir sur la terre ferme? Pourquoi restons-nous dans des relations qui semblent, pour nous ou pour ceux qui nous regardent les vivre, complètement tordues? Pourquoi ne tirons-nous pas la plug au lieu d’affronter un quotidien qui ne nous satisfait pas outre mesure? Ne devrions-nous pas avoir le droit d’être pleinement heureux, nous aussi? Chers amis, vous vous en doutez bien : ce n’est pas exactement comme ça que ça se passe.

D’abord, il y a toujours deux versions (si ce n’est pas plus) à chaque histoire : ce que tu vis et ce que tu dis que tu vis. Et c’est tout à fait correct. Ce que tu vis, y’a que toi et la personne avec qui tu le vis qui savez vraiment de quoi ça a l’air. Ensuite, il y a ce que tu racontes à tes amis, ce que tu dis que tu vis. Cette version-là peut changer plusieurs fois dans la même journée et sincèrement, je pense que parfois, on ne s’en rend même pas compte. As-tu bien dormi? As-tu pris un verre de trop? Vous êtes-vous chicanés avant que tu viennes nous rejoindre au bar? Tant de facteurs qui peuvent influencer le récit que tu nous raconteras à propos de ta relation.

Le plus étrange, c’est qu’à force de raconter ce que tu vis, tu ne vis plus rien. Tu passes tellement d’énergie à parler de ta relation ou de ta situation-amoureuse-qui-n’est-pas-une-relation-tu-aimerais-tellement-que-ça-marche-si-seulement-tu-arrivais-à-lui-avouer-tes-sentiments, qu’il ne te reste pas beaucoup de temps dans ton horaire chargé pour vivre de nouvelles patentes. Donc tu rumines les mêmes événements depuis beaucoup trop longtemps. Tu mâchouilles votre chicane de vaisselle de la semaine passée, tu remets en question un regard datant d’avant Jésus-Christ, tu regardes en boucle les photos de ton mariage en te demandant s’il n’y avait pas déjà là un indice qui pourrait t’aider aujourd’hui… Le plus beau, c’est que tu as l’impression de prendre ton temps, de bien peser le pour et le contre, d’être sage. Prendre une décision hâtive, ce n’est pas ton genre.

La vérité, c’est que même ceux qui font des sports extrêmes tous les jours doivent prendre leur retraite un moment donné. Prendre des risques, c’est fatigant! Tu vis peut-être dans l’illusion que tu es bien tranquille, toi, dans ton quotidien un peu morose. Après tout, il ne t’arrive pas grand-chose; ce sont les petits détours de la vie qui te bousculent. Mais au fond, la place la plus dangereuse, c’est exactement où tu te trouves. Un endroit d’incertitudes, de doutes. Du sable mouvant.

Alors quand on se reverra, si tu me racontes une version complètement différente de l’événement duquel on jase ensemble chaque fois qu’on se voit depuis Noël, je ne t’en tiendrai pas rigueur. On va finir par changer de vitesse, mais à notre rythme. Même si nos voisins de table ont juste envie de nous crier de PASSER À AUTRE CHOSE.

La vie, c’est compliqué. Pis nous, on aime ça les manèges, les sentiers trop à pic pis les pots difficiles à ouvrir. Ça en prend comme nous autres, tsé.

 

[Source de l’image: Pexels]

 

 

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