Il est 1 h 30 du matin. Je titube un peu. À peine. Depuis mon départ du bar où je suis allé prendre un verre avec des amis, une force indescriptible me pousse vers l’avant. L’impression de voler. La poitrine soulevée, le cœur battant. Une caravelle toutes voiles dehors, gonflée par la promesse d’un corps chaud et endormi. Mais pas pour longtemps, endormi. Pas à la vélocité à laquelle je m’élance au-devant de ses caresses.
Merde. La porte est barrée. Il va falloir que je la réveille… oh, mais qu’est-ce que je vois là?
Une danse vaporeuse. Ses deux jambes nues glissant l’une devant l’autre, à ma rescousse. Là où se rencontrent ses longues jambes effilées et gracieuses, une ombre voile le spectacle. Une chemise blanche, ample, coule sur son corps et court sur la ligne du rebondi de ses fesses. Avant même qu’elle n’ouvre la porte, me voilà déjà à genoux, couvrant toutes les parcelles de peau que ma bouche puisse saisir, humant toutes les odeurs que mon nez puisse capturer, mes mains pleines lui agrippant les fesses avec désir et soulagement.
L’enchantement dans son regard. Son corps effervescent. Oh non, elle n’est plus endormie. Toutes ses lumières sont allumées. Elle est belle. Combien elle est belle.
Je prends le temps de m’asseoir, qu’elle me parle un peu. Elle est si enjouée qu’elle valse dans la cuisine en riant. Elle est belle.
Au travers de nos rires, elle se glisse dans le lit encore chaud de son sommeil et se déshabille lentement. Au loin, je retarde savamment le moment d’éteindre la lumière. Question de prendre le temps de l’admirer. Question de la laisser languir encore un peu. Dans le noir de la chambre, son corps à demi nu brille à la lueur de la lune. Elle n’est plus seulement celle que j’aime, elle est en ce moment toutes les femmes.
Ce moment après avoir fait l’amour. Sa tête sur mon épaule, l’impression que rien ne peut nous atteindre. D’être hors du temps. Calme et grandiose. Penser à la chance. Penser à l’éphémère de ce court moment. Me demander combien d’autres couples, en ce moment même, sont enlacés après s’être ainsi abandonnés. Nous joindre à tous ces gens qui sommeillent du repos du guerrier. Mes doigts dans ses cheveux. La nuit qui nous couvre et déjà, le petit matin, qui nous sépare et nous fait déjà espérer la prochaine étreinte.
Et quelle surprise. Cet espace partagé entre nous qui s’agrandit sans cesse. Qui prend des forces. Qui s’enracine, qui s’entremêle et se déploie. Une toile aux contours se muant toujours et dont les coups de pinceaux se multiplient et se raffinent. Le vertige… le calme vertige…
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