L’algorithme du coeur

Lorsque l’on passe une entrevue d’embauche, il y a toujours cette question, un peu conne, qui revient : nommez-moi un de vos défauts.

La réponse la plus cheesy est évidemment « perfectionniste ». Ça sous-entend, de manière peu subtile, qu’on voudra toujours se surpasser et offrir le meilleur de nous-même au risque de négliger notre vie sociale et en consacrant les quarante prochaines années de notre vie à se dévouer pour une compagnie dont on espère avoir son nom sur le paycheck.

Genre.

J’ai déjà donné cette réponse à un futur employeur. Perfectionniste. Et plus d’une fois. Quelle horreur. Mais le pire, c’est qu’il y avait un fond de vérité. J’aime le parfait. J’aime les choses parfaites. J’aime les gens parfaits. Qu’est-ce qu’une personne parfaite? Impossible à décrire. C’est un algorithme de caractéristiques dont seul mon coeur connaît la recette.

À 5 ans, on m’a offert un toutou. Un hybride louche entre koala, raton laveur et panda. Clairement, un animal en voie d’extinction. Sa tête penchait légèrement vers la gauche, et une petite clé dorée ornait magnifiquement son derrière. En la tournant d’un bon coup sec, le koala aux origines pas claires laissait s’échapper une douce mélodie à rendre jaloux n’importe quel compositeur d’une comédie musicale à la mode mise en scène par Serge Postigo. À mes yeux, ce toutou représentait la perfection.

Un jour, après l’avoir abondamment taché de fromage Velveeta, ma mère a décidé de le laver… à la machine. Monsieur Koala n’a plus jamais chanté. Et la chaleur de l’eau lui a fait légèrement décoller l’oeil gauche. Muet et avec des cataractes pour cause de brassée à spin, mon meilleur ami était désormais voué à une vie de silence monastique.

Malgré son strabisme, il est resté ce toutou parfait, celui qu’avait choisi mon coeur.

Lorsque j’ai rencontré mon chum, avant que l’on soit un couple officiel, avant même que lui-même sache que j’étais amoureux… Bref, dès le départ, je l’ai trouvé parfait.

J’étais ce gars gossant qui n’a rien à dire de crunchy sur son couple dans des soupers entre amis.

Ça va super bien, on s’aime, tout est parfait.

Le genre de couple à qui on ne consacrerait pas une série télé. Après un après-midi éreintant à parcourir les quincailleries grandes surfaces à la recherche de galets blancs pour notre cour arrière dont la thématique de décoration avait été minutieusement choisie comme étant « bord de mer », mon chum et moi avons vécu notre première chicane. En voiture. Dans le trafic montréalais. À l’heure de pointe. Certains diront que j’ai été drama queen en affirmant que c’était la fin de mon couple idyllique.

Certes.

Mais depuis que l’idée de sacrer un coup de poing au visage de mon chum m’est passée par l’esprit, je l’aime encore plus. Aussi contradictoire que cela puisse paraître. J’ai réalisé que mon coeur préférait les imperfections. Un algorithme mystère qui ne se calcule pas.

Et enfin, j’ai quelque chose de crunchy à raconter lors des soupers entre amis.

 

[Source de l’image : Startup Stock Photos]

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