L’amour en voyage

C’est l’été. C’est aussi le moment privilégié pour la plupart d’entre nous pour partir en voyage, « su’l fly », afin de décrocher, se ressourcer, se retrouver. Et là, j’aimerais bien pouvoir écrire un de ces nombreux articles qui nous donne « 7 choses à savoir sur… ». Pour vrai, je suis un gros fan de ce genre de textes qui pullulent sur la webosphère. Mais je n’arrive tout simplement pas à m’y résoudre. Parce que je trouve que faire cela, même si ça nous permet de se reconnaître, de nous donner un petit sourire en coin en lisant cet article sur la bol, le matin sur notre téléphone, ça enlève beaucoup de sens et de profondeur à ces amours de passage. Parce que ça dénaturerait la beauté fulgurante de ces rencontres éphémères.

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Juillet 2015

Mon sourire blanc accroché en permanence dans mon visage, dont l’éclat contraste avec ma peau dorée par les nombreuses heures à marcher sous le soleil de l’Espagne. La barbe en friche, si longue que les rayons viennent y dessiner de timides reflets roux. Les cheveux en broussaille et le regard souriant. Je suis heureux. Je suis libre. Je suis maître de moi-même. Et je suis en route sur le chemin de Compostelle. Je ne sais pas trop quelle force étrange m’accompagne, mais elle est bel et bien là, presque visible, presque palpable. À chaque détour, des grappes de magie qui se manifestent. Ce n’est pas un mythe, c’est une réalité.

À ce moment-ci de mon voyage, je me suis entiché d’une belle Italienne, dont la maturité décuple le charme, et qui s’entête à essayer de m’apprendre (en vain) quelques rudiments d’italien. Ce n’est pas que je sois si idiot, mais plutôt que mon énergie est toute consacrée à dépoussiérer mon espagnol. C’est donc à force de taloches et d’exclamations italiennes plus aiguës les unes que les autres que je m’enfonce dans la campagne basque. Mais que peut-elle réellement face à mon sourire coquin et gourmand, et à mes folies de jeune singe excité… et quelle réelle menace représente une Italienne qui vous regarde avec envie, les joues enflammées de colère et de désir? Je suis incorrigible.

Normalement, le chemin du pèlerin est assez simple : suivez les flèches jaunes et tout ira bien. Mais cette fois-ci, sentant l’appel de l’aventure, je décide de bifurquer vers les montagnes comme c’est vaguement indiqué dans le guide périmé que j’ai acheté en spécial avant mon départ. Je décide de faire confiance à la providence et les compagnons avec qui je marche cette journée-là décident de poursuivre par le chemin traditionnel. À l’exception d’une seule: ma belle Italienne. Oh, aveugle confiance…

Nous sommes fin seuls au monde, l’aventure bourdonnante au cœur et le désir papillonnant au ventre. Si la tension existante entre nous à ce moment-là avait été visible, on l’aurait sentie vibrer et le témoin insouciant en aurait été lui aussi chatouillé.

À chaque détour, on s’observe à la dérobée, on se jette des regards gênés et gourmands, plus coquins les uns que les autres. Ses pommettes dures et rondes roussies par le soleil et les vagues de plaisir. Je crois que même ses taches de rousseur en rougissent. Nous n’avons aucun contrôle sur nos sourires, dont les commissures soulèvent les replis de nos cœurs. Ses réticences quant à notre différence d’âge gonflent mon ambition et mes appétits. Je ne m’arrêterai pas en si bon chemin. Ce quelque chose entre nous qui valse, s’aventure, se retire, nos vulnérabilités, nos sensibilités. On s’ouvre, on se referme, puis on s’ouvre à nouveau. Plus cette danse s’emballe, plus nos corps se rapprochent, des dos de mains qui s’effleurent, des poils qui s’hérissent, des petits moments silencieux en suspens, le souffle coupé. Je n’en peux plus de la déshabiller en pensée, quand finalement je cède à mon désir. Je l’agrippe, et nous nous abandonnons enfin. Nos lèvres se touchent. Et nous inspirons l’autre bruyamment, comme si toutes ces respirations retenues s’abreuvaient enfin de l’odeur de l’autre. Comme si nous revenions à la surface après une plongée qui s’étire. Nos mains qui s’empoignent, qui s’explorent sans ménagement.

Puis un arrêt.

J’ai été un peu trop baladeur. Assez pour lui donner des idées, mais trop hâtif pour poursuivre aussi impunément. On reconsidère. Et on reprend silencieusement la marche, évaluant les conséquences et dessinant la suite dans nos fantasmes en ébullition, dont les développements vous seront partagés, chers lectrices et lecteurs impatients, la semaine prochaine…

 

[Source de l’image: Pixabay]

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