J’ai envie de pleurer

Aujourd’hui, il pleut à Paris.

Ville lumière devenue terne et morose, l’instant d’un après-midi.

Quand il pleut, je me demande si ce ne sont pas les chagrins de l’humanité qui se déversent sur les balcons fleuris et les jolies terrasses. Paul Verlaine a déjà écrit : « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville. »

Quand il pleut, peut-être qu’on porte momentanément le poids de la tristesse du monde sous nos habits trempés. Peut-être que les malheurs de tous se métamorphosent en gouttelettes pour nous permettre, nous aussi, de pleurer discrètement sous la pluie.

En espérant le soleil.  

Aujourd’hui, c’est sur les toits parisiens que se déferle le malaise de nos désillusions et de nos actes manqués. C’est au-dessus de ma tête que se produit le refroidissement de l’air après les canicules du cœur, et que s’évacuent les perturbations quotidiennes de l’âme.

La pluie permet peut-être l’exhalaison de nos fardeaux collectifs. Ce sont nos débris sentimentaux qui submergent les rues et nos souliers. Mais pourquoi la détester alors qu’elle permet de nettoyer les poussières et les cendres de nos angoisses?

Pleurer est un acte thérapeutique, une hémorragie salvatrice. La catharsis de nos traumatismes affectifs refoulés, la désinhibition de nos troubles. Pleurer, c’est une purification de l’esprit. Un premier pas vers l’apaisement et le réconfort.

De ma fenêtre, j’assiste à ce concerto de parapluies qui semblent défier la douleur du ciel. De petits abris de textiles délicats, mais hermétiques à la déception des nuages. Je les regarde tourbillonner, au rythme ardent des précipitations diluviennes, et puis machinalement se recroqueviller avant de s’enfouir dans la pénombre et la monotonie des migrations souterraines d’une station de métro. Et même à l’intérieur, certains gens continuent d’avoir de la pluie dans les yeux.

Ça fait partie de la vie.

Un peu plus loin, un couple brave la tempête, main dans la main. Ils dansent sous cette averse glaciale, espérant qu’elle soit transitoire.

Parce que la vie continue.

Une scène banale, certes, mais tellement belle que Mozart aurait pu en faire un opéra.

Aujourd’hui, Paris s’est portée volontaire pour nous soulager de nos amertumes ambiantes. Et demain, le tirage au sort météorologique fera en sorte que ce soit ailleurs, ou encore ici. Si Paris pleure, alors profitez-en pour pleurer aussi. Parce qu’on a tous un balluchon de contrariétés à vider, une fois de temps en temps.

Et parce que c’est ce qui nous permet d’avancer, en dépit des intempéries.

[Source de l’image: Eye contact par luisjoRN]

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