Je suis une actrice de films de filles

Sur mon plancher de salon s’étend un champ de vieux Kleenex mouillés de larmes. Enfoncée dans mon vieux sofa rouge, ma petite carcasse sanglotante. En ce moment suspendu, je suis seul et je braille comme une actrice ravagée. Je viens de regarder un quinzième épisode d’affilée de Being Erica. Quelque part en moi habite une jeune femme de 30 ans qui vit une crise existentielle. Paradoxalement, j’affectionne ces petits moments de fin du monde. Allez, vide-toi de ta peine, pauvre petite chose.

Chaque fois que je me sens comme un p’tit caca, qu’une mauvaise nouvelle se présente, mais surtout, que je sors, encore une fois, d’une relation amoureuse foireuse, mes bonnes chumettes actrices de films de filles (et le livreur du Marconi Pizza) sont là pour moi, pour me faire rêver encore à l’amour romanesque et fabuleux (bon peut-être pas le livreur… on va lui donner un break, quand même). Ce qui est étrange, c’est que deux mouvements contradictoires s’entremêlent en moi, comme deux courants d’air se rencontrant, en tourbillonnant.

1. Je tombe presque systématiquement en amour avec chacune d’entre elles, sans discernement aucun. Je les trouve toutes excessivement belles et attachantes dans leurs moments de vie troubles, j’aspire autant qu’elles à la lumière du bout du tunnel, et encore plus à incarner cette lumière (probablement les restants de reflets de soleil venant de ma rutilante armure de chevalier-sauveur en processus de lente décrépitude). Mais ça, c’est un autre sujet.

2. Je m’identifie à leur désespoir de s’être systématiquement faites crisser là au début du film (ça va ben aller fille, ça va ben aller!… Ça y est je braille encore… ça va ben aller moi, ça va ben aller!), et systématiquement, j’ai ben hâte de voir comment ça va se passer au final. Parce que ça se passe toujours bien. TOUJOURS. Le pire, c’est qu’après ça, j’attends inconsciemment LA fille lumineuse qui va me comprendre dans ma bizzaroïdité et faire de ma vie le film de filles dont je vais ensuite pouvoir écrire le scénario et dire au monde entier : « Ça se peut! Check moé pis c’te fille-là sortie tout droit de mes rêves les plus fous oh my god, oh my god. » Hollywood, here I come!

Après ce moment d’épiphanie, je reviens à la réalité, je ramasse mes Kleenex dégueulasses, je jette le restant de pizza que j’ai pas finie parce que pour vrai, ça me tombe vite sur le cœur, je bois un grand verre d’eau, je respire profondément dans tout ce nouvel espace libéré par mes vieilles larmes et ma vieille morve, et enfin, je revis. Je souris. Les yeux encore tristounets, mais oui, je souris. Je ris fort même, parfois. Comme si tout à coup je me vois de l’extérieur pis j’me dis : eh boy, c’est moi ça?

Je suis vraiment une actrice de films de filles.

Souvent, après ce genre d’épisode, la vie reprend son cours, je m’allège, et ça va bien.

Jusqu’à ce que je me surprenne à brailler encore, devant un film pour enfants.

J’te watch Pixar, j’te watch…

 

[Source de l’image: 029 Marilyn in color par Siddhesh Mangela]

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