J’pense que j’ai peur de l’engagement…

virginie1

Ça fait quatre fois qu’on se voit en une semaine et demie, peut-être un peu plus. C’est pas beaucoup quatre fois, mais pour un laps de temps aussi court, c’est quand même pas mal. Tant pour toi que pour moi. Wow, j’ai hâte de voir quelqu’un. Je me souviens plus de la dernière fois que ça m’est arrivé… Je te le dis, car on se parle à tous les jours. On se  « parle ». Toi aussi ça fait longtemps. Ça va bien. Le soleil n’est plus en grève.

Je rencontre tes amis. Ça me fait plaisir même si c’pas dans mes habitudes d’être sociable avec les autres. On jase, on boit de la bière, beaucoup de bières, on rit, on mange de la poutine, on s’embrasse. Nos soirées se terminent toujours vers 2-3h du matin. T’as pas essayé de me ramener chez toi. Je suis contente. Tu me dis que je suis belle avec mon imperméable, mais encore plus quand j’ai mis ma casquette la première fois qu’on s’est vu. Pis ça tombe bien, car je te trouve beau aussi.

Parlant de tes amis, ils nous niaisent un peu. On dirait qu’ils ont 12 ans et ça me fait rire. Ça me fait du bien aussi. Peut-être parce que j’ai l’impression de vivre quelque chose de beau et surtout, de simple et que ça fait longtemps.

On prend notre temps. Rien ne sert de se presser qu’on se dit. Tu m’as même téléphoné quand t’es arrivé chez tes parents cette soirée là parce que t’avais envie de me parler (même si t’aimes pas parler au téléphone). J’ai trouvé ça tellement cute. Je me souvenais pas de la dernière fois où j’avais eu une conversation de vive voix avec quelqu’un au téléphone. Awww.

Mais non. Ça l’air que ça n’arrivera pas. Ça n’arrivera parce que J’pense que j’ai peur de l’engagement…

Les deux on se dit qu’on a été dans nos têtes ces derniers temps, que c’est juste ça et que l’autre n’a vraiment rien à voir là-dedans. Pourtant, cogiter sur l’hypothèse d’une probable future relation (ça en fait des peut-être, ça) est exactement la raison du pourquoi on était dans notre tête cette semaine. L’autre a donc tout à y voir. On a peur d’avoir bobo, alors on préfère rester dans une léthargie permanente, on préfère ne pas aller nager dans le creux. T’sais, tout d’un coup qu’on perdrait nos flotteurs, qu’on saurait pu comment nager et qu’on callerait dans le fond? Ce serait plate de se noyer le cœur alors on va rester dans le pas creux, dans le coin des petits. Dans ce qu’on connaît, dans ce qui est safe.

C’est maintenant bizarre depuis une semaine. On s’écrit moins et on ne se voit pu pantoute. Une raison, y’en n’a pas vraiment. Du moins, y’en n’avait pas jusqu’à temps qu’on assume et qu’on réussisse à prononcer les mots J’pense que j’ai peur de l’engagement… J’ai pas été fâchée quand tu me l’as dit, parce que je suis la première à me dire la même chose. À avoir peur. À préférer passer des soirées avec des gens anonymes plutôt que de trouver une seule personne dans cette grande foule. Parce que l’anonymat ne fait pas mal, ne fait pas peur. L’anonymat, c’est un ou l’autre, mais ce n’est pas celui-là précisément et surtout, ce n’est pas toi. Ce n’est pas toi qui peut scraper ma journée en ne me donnant pas de nouvelles et ce n’est pas toi qui pourrait me faire de la peine en me disant que finalement ça ne fonctionnera pas.

C’est facile de voir des gens. On le sait, on l’a fait souvent. Mais des gens, c’est n’importe qui et on n’a pu envie d’être avec n’importe qui. On a envie d’être ensemble,  c’est ça qui est stupide. On préfère se priver d’un bonheur potentiel au cas où un malheur se pointerait. C’est la notion du zéro risque. On préfère rester dans le néant, dans le gris, dans l’eau qui stagne. Mais plus tu stagnes, plus tu t’encrasses et plus c’est difficile de repartir le courant après.

Ce qui est drôle, c’est que quand on était p’tits, on y allait dans le creux. Même si on savait pas nager. On se faisait confiance. Parfois, on sautait même du méga tremplin. Aujourd’hui, on n’est même pas capable de sauter du p’tit tremplin parce qu’on a trop peur de pogner un flat. Parce que la peur nous paralyse. Parce qu’au moment de sauter, tous les souvenirs des anciens flat nous reviennent en tête. Parce que la seule chose qu’on se dit c’est Ça va sûrement faire mal en maudit… Mais qu’est-ce qui arriverait si on le réussissait notre saut? Si jamais on le recevait, notre écusson du dernier niveau. On serait content d’avoir sauté.

Mais non. Ça l’air que ça n’arrivera pas. On reste bloqué au bout du tremplin. Nos orteils se font aller dans le vide. On veut sauter, mais on veut pas et dans ces histoires là, la peur fait souvent en sorte que le on veut pas l’emporte sur le reste. Alors on rebrousse chemin. On descend les escaliers. On se tient fort après la rampe pour être certain de ne pas tomber parce que c’est glissant. On regarde maintenant le tremplin d’en bas en se traitant de lâche et en se disant qu’on aurait dû sauter. Puis, on marche tranquillement à reculons en direction du pas creux, de ce qu’on connaît, de ce qui est safe.

[Crédit photo : Virginie Chaloux-Gendron]

2 Comments

  • Denise dit :

    L’engagement? oui, ça fait peur à tout le monde. Quand on s’engage, il y a les responsabilités qui suivent, tu as raison, il faut aller dans l’creux, se débattre pour remonter à la surface. Mais c’est la foi, l’espérance et la confiance qui nous supportent. Quand on est deux, il y en a toujours un pour tirer l’autre vers la remontée; je crois que c’est ça l’amour puis l’amitié…

  • Alexandra dit :

    Au risque de me répéter, quelle belle âme tu as.

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