La saison des amours

Les bernaches sont arrivées cette semaine. Une à une, timides. Doucement, elles sont revenues attendre le printemps avec nous. On a souri.

Ici, on comprend les saisons qui changent grâce au mouvement des bernaches. Quand elles quittent, on ajoute une couverture dans notre lit, signe que l’hiver arrive. Si la première neige tombe et qu’elles ne sont pas encore parties, on s’inquiète. On a peur du réchauffement climatique qui mélange les animaux. On veut qu’elles fassent confiance à leur instinct et qu’elles sentent le froid arriver, même si l’automne étire maintenant le temps du balcon.

On a gelé nos fesses sur une terrasse, la semaine passée, voulant profiter des petits rayons chauds. Je me suis sentie comme le premier courageux en t-shirt : j’avais besoin de gagner quelque chose, d’être la première, d’ouvrir la marche. On a commandé le premier pichet de sangria de l’été, nous a dit notre serveur. Yes. 

À travers nos lunettes de soleil, on a regardé les gars regarder les filles. On a vu des gens mordre leurs lèvres de désir, signe du printemps qui arrive. J’ai vu deux ados faire du necking (est-ce qu’on dit encore ça?) dans le stationnement de l’église, en plein jour. Il y a de l’excitation dans l’air, les hormones sont dans le tapis, les bourgeons aussi.

Des couples vont se séparer, victimes de l’ambiance générale de renouveau. Ils succomberont au sex appeal de chaque personne qui marche sur la main. Ils se diront qu’ils n’ont qu’une vie à vivre et qu’il faut la vivre maintenant, qu’ils ne pourront pas passer toute leur vie avec la même personne. Ils se convaincront qu’ils prennent la bonne décision en se séparant. Et puis, le printemps, c’est la saison des amours, alors les choix sont multiples. La chasse commence avec la fonte de la neige. On laisse notre manteau dans l’auto avant de sortir au bar. On n’a plus peur.

Le gazon est peut-être plus vert chez le voisin. On ne se console peut-être pas tout le temps, quand on se compare. Il se peut que son contraire ne t’attire plus, mais pense aux bernaches. Elles qui se choisissent un seul partenaire, pour toute la vie. Il y a plus d’oiseaux monogames que tous les autres animaux. Comme si la migration, de toute façon, serait plus facile à deux. L’objectif, c’est peut-être de traverser les printemps, ensemble. Revoir les couleurs en ignorant l’envie de fuir ailleurs.

 

Source de l’image: Birds par Cosimo

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