Le coeur comme un défibrillateur

On se souvient tous de notre premier kick de jeunesse. Pour certains, c’était leur voisine; pour d’autres, leur cousine. Parfois on choisit, parfois on choisit pas.

Aussi loin que je me souvienne, le premier vrai kick que j’ai eu pour une fille, c’est en sixième année pour une fille qui s’appelait Sophie. Un premier vrai kick : mon coeur battait la chamade chaque fois que je la voyais. Tout le monde de ma classe le savait, sauf elle. Un jour, à la récréation, j’ai su qu’elle l’avait appris. On était assis sur un banc de béton dans le fond de la cour, on discutait et sans savoir comment la conversation s’est rendue là, les mots sont sortis de sa bouche : « Ça a l’air que tu m’aimes, est-ce que c’est vrai? »

J’étais figé comme une barre et je fixais le sol, mon coeur spinnait comme une toupie. J’étais incapable de parler, les mots ne voulaient pas sortir. J’avais peur qu’elle se foute de ma gueule et je me faisais plein de mauvais scénarios dans ma tête. Dans un long moment de silence, elle s’est levée puis elle est partie. J’avais l’impression de recevoir de plein fouet un coup de défibrillateur. Dude, t’as manqué ta chance. Étant jeune, j’étais très gêné avec les filles et j’avais de la difficulté à exprimer mes émotions et mes désirs. Heureusement qu’on s’améliore avec le temps

Mais depuis, mon coeur est comme un défibrillateur qui utilise la gêne comme source d’alimentation principale pour mener à bien ses fonctions.

Plus tu reçois de coups de défibrillateur, plus ta confiance en mange un coup. Parce que le défibrillateur, lui, fonctionne par ondes de choc; chaque vague d’émotions propulsée par le coeur remplit une jauge d’énergie prête à donner un coup, au moment où il en a la chance. Une fois qu’il est en fonction, c’est très dur de l’arrêter, le bouton d’urgence doit être cassé ou a le piton collé. J’pense même que sur le banc, mon cœur, Sophie l’a plogué directement sur mon alternateur de guts, sans le savoir.

Parfois (en excluant ceux qui ont une blonde et/ou un bébé), il m’arrive d’avoir des discussions avec des amis sur leurs chaudes soirées avec des filles trop canon. Des filles qu’ils ont rencontrées sur Facebook, dans des partys, des clientes de leur job ou encore des filles parmi leurs 90 matchs, sur Tinder. Ils me parlent des trois ou quatre baises qu’ils ont eues dans les derniers mois. Je me dis: « Nice, vous êtes chanceux. » Ils sont chanceux, parce qu’ils ont le guts de se laisser porter par leurs pulsions sans que l’image de Sophie sur le banc ne revienne inconsciemment donner un coup de défibrillateur. Faut tout de même la jouer positif, j’me dis que moi, au moins, j’suis capable de garder une relation stable. Tsé, chacun ses problèmes.

Mais des regrets, j’en ai beaucoup. Bien sûr, j’ai eu de bons moments où le défibrillateur ne s’est pas allumé, of course, mais pas assez. 

J’ai jamais vu le manuel d’instructions du défibrillateur; il a dû glisser sous le banc de béton quand Sophie s’est levée. Ça doit être pour ça que, quand le moment propice se présente avec une fille qui m’allume, j’ai de la difficulté à couper le contact du défibrillateur pour qu’il ne se recharge pas. Les rares moments où le défibrillateur reste éteint, c’est quand les signes sont là, quand ça se fait naturellement. Mais en 2016, comme tout le monde joue la game du je ne veux pas m’embarquer dans quelque chose de sérieux, ça complique un peu les choses.

Bref, si jamais vous avez le même modèle que moi et que vous avez toujours les instructions, j’aimerais bien ça vous les emprunter!

[Source de l’image : Unsplash]

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