Le gazon du voisin n’est pas plus vert

J’ai cette habitude de me comparer aux autres. Et souvent, ça me ronge l’intérieur, car pour je ne sais quelle raison, leur vie semble toujours meilleure, plus heureuse que la mienne. Du moins, c’est ce que je m’efforce à croire.

Quand, la tête entre les rideaux et le nez collé à la fenêtre, j’espionne, sans aucune subtilité, la vie de mon voisin, je n’aperçois que des sourires, des rires, des yeux brillants, une famille parfaitement heureuse. Je remarque une belle maison, deux voitures de l’année stationnées dans leur cour joliment pavée et une piscine pour leurs jours ensoleillés. Je constate aussi un beau cabanon pour que Monsieur bricole de jolies choses pour leurs deux enfants et un magnifique jardin où Madame récolte les légumes frais pour le succulent souper qu’elle concoctera, le soir venu. Mes yeux jaloux voient un gazon beaucoup plus vert que le mien.

Et lorsque je retire ma tête d’entre les rideaux, j’ai l’air maussade. Parce que mes yeux m’ont convaincu que je n’ai pas la chance d’avoir tout ça. Que je n’ai, en fait, pas grand-chose. Je n’ai pas de jardin ni de cabanon. Encore moins de piscine. C’est triste, mais devant ces constatations, j’ose estimer que ma vie est bof. En fait, mon cerveau m’oblige à croire que j’ai un terrain de spots de tourbe ici et là. Un gazon inégal où il y a trop de pissenlits, trop de mauvaises herbes.

Or, j’ai la chance d’avoir un amoureux qui sait me ramener sur terre. Quand il le faut, il s’improvise paysagiste et me partage sa vision de notre terrain. Il a les mots justes et la vision raisonnée. Il a des idées de grandeur, une créativité à ne pas sous-estimer. Il est mon artiste favori qui sait parfaitement dessiner le plan réel de notre paysage. Et là, je constate enfin.

Je constate que notre terrain est en construction, mais qu’il a beaucoup de potentiel. Avec lui à mes côtés, j’arrive à imaginer ce qu’il deviendra. Il est vrai que nous sommes loin de posséder autant que les voisins. Nous sommes juste plus réalistes. Nous nous assurons de bâtir de solides fondations avant d’y emménager un cabanon, des fleurs, des carottes ou des concombres. Nous solidifions nos bases avant d’y ajouter du fla-fla qui servira à embellir ce qu’on a déjà de beau.

Je dois perdre cette habitude de me comparer aux autres. Ce qu’ils nous montrent n’est souvent qu’apparence. Lorsque nous nous y attardons de plus près, il n’est pas rare d’apercevoir des moues dans leurs sourires, des pleurs dans leurs rires, des yeux parfois sombres et une famille avec, eux aussi, leurs moments difficiles.

Il faut se rappeler que, malgré tout, le voisin peut aussi, la tête entre les rideaux et le nez collé à la fenêtre, nous jeter des regards envieux.

Parce que, malgré tout ce que l’on peut croire, le gazon du voisin n’est pas plus vert que le nôtre.

[Source de l’image: Girl par Skitterphoto]

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