« J’ai rarement été aussi fébrile d’exister »

Je suis febrile dexister

Chaque matin depuis quelque temps, je me réveille avec un bonheur qui a le ventre plein. Les bobépines et élastiques que tu laisses derrière toi dans mon lit, comme le chemin d’Hansel et Gretel, en sont peut-être un peu pour quelque chose.

Écoute-moi, je ne te ferai jamais cuire dans un four. Je préfère le BBQ.

J’ai rarement été aussi fébrile d’exister.

À chaque instant, je me répète cette phrase comme le refrain de LA toune qui passe à la radio sans arrêt, et qui s’imprègne en toi. À un moment donné, tu associes la chanson à un souvenir et une autre toune prend la relève. (C’est simple de même la vie, tsé).

Mais cette phrase-là me bombarde le torse comme mille David qui lanceraient des pierres au Goliath de mon cœur. Seul contraste, la douleur n’y est pas.

Le matin, quand le cadran hurle et que Stranger in the night de Sinatra se met à trembler dans la chambre avec sa voix d’époque révolue, c’est un coup de tonnerre en moi. J’ai désormais l’infini à portée de lèvres.

Boom! Un deuxième éclair déclare la guerre aux muscles de mes joues. J’ai le sourire insolent et surtout facile.

Souvent, mais pas assez à mon goût, c’est la faute de ta nuque que j’embrasse et qui m’égratigne les lèvres de douceur. Ta peau, comme la lisière délicate entre le doigt et l’eau lorsqu’on caresse l’horizon d’un fleuve.

D’autres fois, je réalise juste que je ne contrôle plus la fureur de vivre tapie en moi. Comme le dragon dans la montagne qui se réveille un beau matin, après plusieurs centaines d’années de repos.

Ma joie voudrait brûler tout sur son passage.

La lucidité de personne sur cette terre, ne saurait apaiser le feu de la Saint-Jean géant que j’ai dans la poitrine.

Pourtant, il y avait jadis en moi une peine coulée dans le béton. Lorsque je regardais par la fenêtre, tout ce que j’y admirais était la solitude. Je ne faisais que commencer à vivre, mais déjà c’était le combat dans ma tête. Les questions me tombaient dessus comme des obus sur Londres en 1940. Mais malheureusement, il n’y avait pas de métro pour me garder sain et sauf, pour m’y réfugier.

Je ne savais plus comment me départir de mon chagrin, et au moment où je pensais être en mesure d’appréhender le monde avec espoir, tout s’effondrait. Je ne connaissais uniquement que les douleurs grenades, celles qu’on ne contrôle pas, qui nous attendent au coin de la rue, sur un banc de parc, à une table de la bibliothèque. Les océans dans les yeux salés, j’en ai navigués. Les larmes de la honte, celles qui coulent pour les vraies raisons, celles qui tombent du cœur.

Comme toute bonne chose, les mauvaises choses – fort heureusement – possèdent elles aussi leur extinction.

Aujourd’hui, les journées brûlent. Exister tout à coup, prend des allures de vacances à la mer et ça fait mal aux joues. Toi et moi, on est comme un kinder surprise. Une fois assemblé, on ne peut plus le défaire.

[Source de l’image : day22 par Not Martha]