L’amour en voyage, partie 2

Ça fait déjà deux bonnes heures que nous cuisons au soleil, encore étourdis par nos baisers et nos caresses aventureuses. Sur une base régulière, elle semble se plonger dans ses pensées, sondant la nature de ses élans érotiques. Pour moi, il est trop tard. Je suis devenu ce chasseur, ce prédateur expérimenté se nourrissant de son plaisir malsain. Un chat déjà repu jouant nonchalamment avec une souris chancelante.

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Suis-je en train de faire une bonne chose?

Je rappelle ici au lecteur que la belle Italienne et moi-même avons trouvé judicieux de s’aventurer hors des sentiers battus. Depuis un certain moment, le temps qui passe me semble trop long pour que l’on soit encore en plein milieu d’un champ… un doute chez moi s’installe. Probablement qu’elle l’a senti parce que ce même doute s’insinue en elle, lentement mais sûrement.

Enfin. Un point d’ombre. Un banc de pierres sous un arbre, surplombant un petit cimetière ceinturé d’un haut mur de pierres, bouclé par une grande porte en fer forgé. Nous partageons des figues séchées et nous nous rafraîchissons.

Mais qu’est-ce qui me prend?

Un fantasme d’indomptable libertin qui me grimpe au ventre. Déjà, je m’imagine lui faire l’amour impunément contre le grillage, au bon plaisir de ces morts nonchalamment accoudés à leur tombe, pour qui un peu d’action ne ferait pas de tort. Je me mets donc à l’embrasser sans gêne, son dos contre le fer chaud. Excité par l’interdit religieux, je sens bien pourtant sa réticence et me vois donc forcé de calmer mes ardeurs. Elle est loin de partager mon goût pour les pieds de nez au corps ecclésiastique.

On reprend donc le chemin au hasard de notre intuition et poursuivons en silence. Quand enfin, nous rejoignons la route principale! Quelle joie de retrouver nos rassurantes petites flèches jaunes. Sur le dernier bout de chemin vers notre prochaine auberge, nous n’évoquons plus ce qui s’est passé dans l’intimité des vallons espagnols.

Au loin, un groupe de pèlerins s’affaire. Affalée à même le sol terreux, tordue de douleur, une jeune Américaine se tient la cheville. Personne n’ose intervenir, ne sachant pas trop quoi faire. Sans un moment d’hésitation, je m’élance. Je suis en mode héro-ésotérique et depuis le début du voyage que je proclame à tous vents que j’aimerais bien devenir massothérapeute. Alors dans ma tête ça fait ni une ni deux : voilà l’occasion rêvée de joindre l’action à la parole. J’appose mes mains sur sa cheville et je sens une force étrange guider mes gestes avec une assurance qui m’étonne moi-même. Ses yeux mouillés, une fois la surprise passée, sèchent puis s’emplissent de curiosité et de reconnaissance.

Et j’ai un public. D’autres filles, dont une en particulier, qui me regarde avec intérêt et timidité. Elle reste discrète sous son drôle de chapeau mou. Mais trop absorbé dans mon travail, je ne remarque pas encore sa présence… cela viendra plus tard, ne vous inquiétez pas. Tout le monde semble impressionné par mon professionnalisme, et quelqu’un me demande : « Tu fais ça dans la vie? » Et moi de répondre avec une franchise désarmante : « Non. » Malgré tout, ce non fut reçu comme un oui. Tout le monde a simplement accepté ce qui se passait. Et quelle surprise de la voir se relever, le sourire aux lèvres, et se mettre en marche à toute allure. Nous ne sommes même pas arrivés à la rattraper tellement elle avançait vite!

** *

C’est la nuit. Cinq ou six pèlerins et pèlerines dorment à poings fermés. Excepté deux d’entre eux. Les dortoirs d’albergue (c’est comme ça qu’on appelle les auberges de pèlerins) sont généralement constitués d’une méchante cordée de lits superposés aux grincements métalliques inconnus du monde des sons mélodieux. Mais cette nuit, ces lits échappent à la règle auditive. Sur le lit du dessus, un parfum de lavande se glisse de la nuque de cette Méditerranéenne blonde et toute en boucles, jusqu’au délicat odorat d’un jeune pèlerin figé par le désir. Son souffle est court, ses yeux brillants dans le clair de lune qui est venu éclairer la scène. Dans le lit au-dessus du jeune frisé, elle le sait. Elle le sent. Elle aussi retient son souffle. Une éternité semble s’écouler avant qu’une main timide entame son ascension inéluctable jusqu’au sommet de son fantasme. Un millimètre de peau. Sur un millimètre d’une autre peau. Des frissons de chaleur passant de ce bout de peau à l’autre. Dans ce contact, deux êtres sont entièrement concentrés. Un nouvel univers est en gestation. Puis Rome en entier vient s’écrouler dans la main du jeune homme. Capitule. La tendresse contenue dans la légèreté et la douceur de ce contact est intemporelle. Ces deux mains qui se fouillent forment une danse impossible. Lente. Langoureuse. D’une profonde intimité. J’ai la gorge si serrée que je ne sais plus ce que je retiens. Un cri? Un hurlement? Des larmes? Quelque chose veut s’échapper de moi et m’envahir à la fois. Puis nos mains qui remontent le long de nos bras, nos poils dressés, en alerte. Un sein. Ses contours. Sa pointe. Le bout de ses lèvres comme deux plumes d’oiseau. Ses joues en collines. Son sourire sous mes doigts.

Le reste de l’exploration appartient à nos souvenirs doucereux. Je laisse à votre imagination fertile le soin de compléter la suite. Et il me reste encore à vous parler de cette étrange fille au chapeau mou…

 

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[Source de l’image: Hands par Katie Tegtmeyer]

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