Le lave-vaisselle va nous tuer, chéri

Chaque fois que ça arrive, je me retrouve figée et abasourdie au beau milieu de la cuisine.

Coudonc’ qu’on est cons parfois.

À date, on a su traverser l’immigration, les demi-relations étendues sur quatre fuseaux horaires, les familles complètement cinglées et mon amour sans bornes pour Taylor Swift. Tout ça comme des champions – sérieux, on est bons. Mais dès que le mot vaisselle se glisse dans notre quotidien, on perd les pédales.

On gueule, on se dit à peine un mot en 48h et ensuite on tente lentement, mais pas très subtilement, de faire semblant que ça ne s’est jamais passé. Parce qu’en fait, on le sait qu’on est un peu ridicules, enfantins. Dans le grand ordre des choses, est-ce vraiment primordial que mon maudit amoureux soit capable de remplir le lave-vaisselle? Est-ce vraiment la fin du monde s’il refuse de rincer?

Non. Techniquement, je le sais ça. Mais mosus que c’est frustrant… surtout en sachant que c’est une histoire de tête dure et non d’incapacité.

Mais bon, je digresse.

Ce qui me frappe à ce moment-là, alors que je me trouve à jouer à la statue dans notre cuisine soudainement vide, une fourchette à peine rincée dans la main et une serviette encore humide sur l’épaule… c’est à quel point on a rarement eu la chance de développer une routine, d’apprendre à vivre à deux, de partager notre quotidien.

Au courant des mois passés sur Skype, je n’ai pas une fois retrouvé le tube de pâte à dent dévissé, je n’ai pas remarqué l’odeur de ses pieds… et j’ose dire, je ne me suis pas constamment retrouvée avec toute ma vaisselle tachée.

En réalité, on n’avait pas le luxe de s’accrocher à de telles niaiseries; on essayait simplement de maintenir notre relation et un semblant d’intimité malgré les 3000 km qui nous séparaient.

Et je dois avouer que, en fin de compte, c’est souvent la pâte à dent trop bien rangée qui me serrait l’estomac quand il n’était pas là, quand je le sentais plus loin que jamais. Disons que ça n’avait pas tout à fait le même effet quand c’était moi qui la laissais là…

On n’a pas encore trouvé le fond du baril quand ça vient à notre débat sur la vaisselle ; je pense qu’il nous reste en masse de chemin à faire. Et l’idée que notre couple puisse perdre la vie pour une telle connerie me terrifie. Pourtant, c’est souvent au milieu de la cuisine que je décide momentanément de tout foutre en l’air, de m’abandonner à ma furie et de lui garrocher une spatule mal rincée. Est-ce que je veux vraiment faire ma vie avec un homme qui s’hérisse au simple mot vaisselle ? Il a beau me faire rire, réfléchir, mais là…

Par contre, avec un peu de recul, je me console.

Ses bas sales dans le salon et nos ustensiles dégueulasses, ce sont des problèmes du quotidien – un quotidien pour lequel on s’est bien battu.

Fuck it. La vie est trop courte, me dis-je, presque convaincue.

En plus, ses chaussettes éparpillées me servent parfois de petits clins d’oeil ; des rappels d’une soirée hâtive, spontanée et passionnée. Pis ça aussi – bien heureusement – ça fait partie de notre quotidien.

[Source de l’image: BAM par Sarah McMahon-Sperber]

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